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Le 21 octobre dernier, au SIAL, l’écosystème de l’export agroalimentaire français était réuni sur le stand Taste France pour assister au lancement du Guide « Agro, « où Exporter en 2025 ? ». Un rendez-vous toujours attendu par la filière, en raison du nombre important d’informations stratégiques contenues dans l’ouvrage. « Nous essayons de donner des clés pour comprendre le monde agroalimentaire actuel, ses menaces, ses opportunités, ses défis, explique Stéphanie Léo, cheffe du service Etudes sur mesure chez Business France. Sur quarante marchés, nous apportons un décryptage attentif des dynamiques conjoncturelles et structurelles du commerce agroalimentaire mondial : cela permet aux exportateurs de préparer au mieux leurs stratégies 2025 ».

Alors, quels grands défis attendent les exportateurs en 2025 ? Quels mouvements de marché pourraient encore déstabiliser leurs flux, après les perturbations des dernières années ? Et comment s’adapter pour mieux résister ?

Nous vous proposons ici une revue des challenges du secteur en 2025 et quelques recommandations pour cibler les bonnes opportunités et éviter les pièges (en attendant de vous plonger plus en détails dans la lecture du Guide « Agro Où Exporter »)

SOMMAIRE :

  • Défi numéro un : prévoir les niveaux d’inflation et de consommation en 2025
  • Défi numéro deux : anticiper les aléas géopolitiques
  • Défi numéro trois : accompagner la transition environnementale
  • Alors, où exporter en 2025 ?
Article grandes tendances agro 2025

Défi numéro un : prévoir les niveaux d’inflation et de consommation en 2025

« Les indices de prix à la consommation en témoignent : nous avons connu une période d’hyperinflation et nous sommes en train d’en sortir », explique Philippe Dubois de la Sablonière, responsable Économie et International à la Coopération Agricole. En mars 2023, selon Eurostat, l’Union Européenne enregistrait ainsi son pic d’inflation avec une augmentation de 19,2% sur une année glissante tandis que la France était à +16,9%. Aujourd’hui, ces chiffres sont retombés à 2,6% en UE27 et à 0,7% en France. « Cela ne veut pas dire que les prix ont retrouvé leur niveau d’avant-crise, tempère Philippe Dubois de la Sablonière. Mais cela signifie qu’ils se sont stabilisés sur un plateau haut et qu’on peut espérer une déflation à plus ou moins long terme ».

Qu’en déduire pour 2025 ? D’un point de vue purement comptable, les chiffres devraient apporter une amélioration, avec une inflation contenue aux alentours de 2% sur la zone UE. Aux États-Unis, la tendance était également à la baisse fin 2024, avec toutefois des incertitudes pour 2025, liées à l’entrée en fonction de l’administration Trump. Un phénomène stabilisateur qui doit en partie aux politiques régulatrices des banques centrales, lesquelles préfèrent augmenter les taux d’intérêt pour limiter la consommation.

« Mais, au-delà des chiffres, il y a les comportements d’achat des consommateurs qui s’installent dans des dynamiques longues », insiste Philippe Dubois de la Sablonière. Car la période d’inflation 2022-2023 a eu de très forts impacts sur le type de produits choisis et sur les circuits de distribution : recours aux marques MDD et discounters, contraction des achats de viandes et poissons, baisse des volumes… En France, 45% des ménages avaient ainsi changé leurs comportements alimentaires en 2023 et le premier trimestre 2024 indiquait un repli de consommation de 5% en valeur depuis 2019. Des tendances qui s’observent dans tous les pays de l’OCDE.

« L’inflation doit conduire les exportateurs à s’interroger sur leurs stratégies de prix à l’international et sur leurs choix de marchés cibles », témoigne Stéphanie Léo. Si l’Union Européenne fonctionne toujours comme une valeur refuge pour les Français avec près de 70% des flux d’export, c’est parfois au grand export que se construisent les plus grosses marges ».

En attendant 2025, le recul de l’inflation a eu une conséquence macroéconomique majeure : un repli de 3% des exportations mondiales, après des années exceptionnelles où le taux de croissance atteignait 22%. « On peut donc s’attendre à un retour à la normale dans les années à venir, même s’il faut garder un œil sur les taux de fret qui restent importants », signale Stéphanie Léo.

Défi numéro deux : anticiper les aléas géopolitiques

Car le transport logistique, tout comme certaines filières d’exportation (céréales, vins et spiritueux, produits laitiers), abordent 2025 avec une appréhension par rapport à l’actualité géopolitique. « Dans le domaine du transport maritime, le conflit au Proche-Orient a eu des incidences sur le trafic en mer Rouge depuis un an, avec des attaques houthis qui ont conduit à d’importants ralentissements des flux et à l’intervention de navires militaires pour sécuriser la zone et les bâtiments de commerce. Tout ceci a fait grimper le prix du fret et les incertitudes demeurent », explique Philippe Dubois de la Sablonière.

Des fluctuations qui s’observent également sur les cours mondiaux des céréales, en lien avec la guerre en Ukraine. « Cette année, la Russie comme l’Ukraine ont libéré des volumes qui avaient été stockés depuis le début de la guerre et procédé à la reprise des exportations portuaires, après la destruction d’infrastructures et le minage de voies maritimes. Cet afflux de grains sur le marché a brutalement fait chuter les prix », note Stéphanie Léo. Une situation qui explique en partie le repli français sur les exportations de cette filière : -33%en valeur et -23% en volume sur 2023. « Et les mauvaises récoltes sur 2024 ne laissent pas présager un retour à l’excédent en 2025 ».

L’autre conséquence de la guerre en Ukraine, en plus du maintien de coûts énergétiques élevés, pourrait être le rapprochement de l’Ukraine, grand pays producteur, avec le marché européen : « L’adhésion n’est pas pour 2025 mais des échanges techniques ont débuté entre les deux parties, explique Philippe Dubois de la Sablonière. Cela peut avoir des conséquences sur le marché intérieur français (concurrence de produits ultra compétitifs) mais aussi sur les exportations car les filières du machinisme et des produits laitiers pourraient par exemple y trouver des débouchés ».

Sur le terrain commercial, le phénomène majeur attendu sur 2025 est le repli protectionniste des deux géants américain et chinois. « L’élection de Donald Trump constitue un signal d’alerte pour les filières Vins et Spiritueux mais aussi pour les produits laitiers. Concernant la Chine, la contraction du marché est générale depuis deux ans mais les mesures anti-dumping annoncées dans le cadre de la guerre commerciale avec l’UE compliquent davantage la situation, notamment pour les filières Vins et Spiritueux (le cognac est explicitement visé) mais aussi les filières lait et porc », explique Philippe Dubois de la Sablonière.

Une fermeture anticipée de marchés qui conduit inexorablement à chercher de nouveaux débouchés dans les pays de l’ASEAN ou du Moyen Orient. « L’Europe ne pourra pas absorber les volumes concernés », alerte Philippe Dubois de la Sablonière.

Heureusement, pour certaines filières, les perspectives semblent plus prometteuses. « Les produits d’épicerie sucrée, et notamment la BVP, ont ainsi connu une hausse 20% en 2023, signale Stéphanie Léo. Et du côté des légumes, c’est une hausse encourageante de 17% qui a été observée ». Des performances qui permettent à la France de se maintenir en tant que sixième exportateur mondial, en tête dans un grand nombre de filières (n°1 pour les Vins, les animaux vivants, la pomme de terre, n°2 pour les spiritueux, n°3 pour la BVP, n°4 pour l’épicerie sucrée et les produits laitiers, n°5 pour les légumes).

« Les aléas qui pèsent sur les exportations témoignent qu’il est plus que jamais nécessaire de mobiliser la puissance publique pour ouvrir des marchés, appuie Stéphanie Léo. Ce qui a été fait en Corée du Sud avec le bœuf en 2024 est par exemple tout à fait encourageant. Et la signature des accords de libre-échange peut constituer un levier d’accélération, même s’il faut veiller à préserver les intérêts du marché intérieur ». Plusieurs accords devraient entrer en vigueur dans les prochaines années : Vietnam, Nouvelle-Zélande, Singapour… avec toutefois un point de vigilance attendu sur le Mercosur, en raison de l’impact négatif qu’il pourrait occasionner sur les filières viandes et sucre françaises – le Parlement français a, sur ce point, réaffirmé son opposition au projet le 26 novembre dernier.

Défi numéro trois : accompagner la transition environnementale

Dans ce contexte de faible visibilité, l’un des chantiers prioritaires pour 2025 sera probablement l’intégration du dérèglement climatique dans les dynamiques du commerce international. « Il y a deux sujets derrière cet enjeu environnemental : le sujet de l’adaptation (car le dérèglement climatique commence à produire ses effets sur les marchés agroalimentaires) et le sujet de la décarbonation (car la transformation des outils de production modifie les chaînes de valeur, y compris sur la dimension export) », analyse Philippe Dubois de la Sablonière.

Les impacts du changement climatique (sécheresse, pluies diluviennes, gel) se font en effet ressentir dans des pays de grande production, perturbant ainsi l’approvisionnement en denrées alimentaires et la fixation des prix mondiaux. En France, la production de céréales a baissé de 25% en 2024, année de fortes pluies. Au Maroc, la production de tomates se trouve affectée par les fortes sécheresses estivales depuis cinq ans et se maintient au prix d’une mobilisation de la ressource en eau. En Pologne, c’est le passage de la tempête Boris, en septembre, qui a pesé sur les récoltes de céréales. Toutes ces pénuries ont pour conséquence des modifications temporaires de flux d’exportation et d’importation.

« Ces crises violentes finissent toujours par se répercuter sur le panier de consommation, analyse Philippe Dubois de la Sablonière. Le consommateur est de plus en plus conscient de la saisonnalité des produits et des aléas de production : on peut s’attendre à des modifications du comportement d’achat sur certaines filières éprouvées ».

Sachant qu’un autre impact attendu du dérèglement climatique est celui qui pèse sur le transport, notamment maritime, avec des épisodes de sécheresse qui peuvent affecter les voies fluviales. « Au printemps dernier, le canal de Suez a fait l’objet d’un blocage de longue durée en raison d’un tirant d’eau trop faible. Les solutions trouvées ont consisté à réduire temporairement les cargaisons et les tailles de navires mais cela a fortement renchéri le prix du trajet », explique Stéphanie Léo. D’où une inquiétude sur 2025 pour les exportateurs et chargeurs, et la volonté de trouver des solutions à plus long terme.

L’un des chantiers menés dans ce domaine est celui de la décarbonation : les nouvelles obligations réglementaires qui pèsent sur les armateurs et sur le transport routier (système ETS2 notamment) conduisent inévitablement à une hausse des coûts. Sachant que l’export de produits transformés inclut déjà le coût de décarbonation de la chaine de valeur (Scopes 1, 2 et 3). « La mise en œuvre progressive de la CSRD dans les entreprises agroalimentaires ne sera probablement pas neutre pour l’exportation de produits agricoles et agroalimentaires », avertit Philippe Dubois de la Sablonière.

Alors, où exporter en 2025 ?

Le panorama 2025 témoigne donc d’une superposition de défis, voire de menaces, qui pourraient rendre frileux les exportateurs de la filière. Mais Stéphanie Léo se veut rassurante : « L’export reste source de rentabilité et de marges importantes : les initiatives réussies à l’export offrent souvent une croissance plus importante que sur le marché national. Mais il est indispensable de préparer sa stratégie et de se faire bien conseiller ».

En matière d’opportunités sur 2025, Stéphanie Léo conseille d’explorer les marchés de l’ASEAN où la croissance du pouvoir d’achat offre un débouché important aux produits gourmets, mais aussi la zone du Golfe où la croissance de la demande saoudienne pour les produits alimentaires internationaux crée un appel d’air. « Les pays d’Asie du Nord-Est, Japon et Corée du Sud, restent également des destinations de choix, sur les produits d’épicerie, la BVP et les vins et spiritueux, en raison de leur pouvoir d’achat et de leur intérêt pour l’offre premium française ». Les produits laitiers, victimes d’une contraction du marché chinois, pourraient ainsi trouver des relais de croissance en Asie du Sud-Est ou dans la zone MENA (Arabie saoudite, Émirats arabes unis).

Mais les opportunités ne se construisent pas seulement au grand export. En Europe, l’accroissement du PIB/habitant de la zone Europe centrale (Pologne, Roumanie, République Tchèque, Hongrie), doit inviter également les exportateurs à explorer ce nouveau marché, dont les modes de consommation se calquent désormais sur les pays d’Europe de l’Ouest.

« Et puis, en fonction des filières, il peut y avoir du potentiel sur des zones émergentes. Par exemple l’Asie centrale (Kazakhstan, Ouzbékistan) pour le machinisme agricole. Ou l’Afrique de l’Ouest (Sénégal, Côte d’Ivoire, Mauritanie) pour les céréales », signale Stéphanie Léo.

Une chose est sûre : 2025 devrait être une année de consolidation et de redéploiement. « Les acquis français sont bien connus et ne devraient pas être chahutés, même si des aléas viennent perturber le commerce international. En revanche, il est indispensable de rester en veille sur des opportunités ciblées, pays par pays, filière par filière, car il n’y a pas de solution globale », note Stéphanie Léo.

Une démarche qui peut être soutenue par l’intégration dans des filières de production : « Le système coopératif offre une plus-value dans la mesure où la transformation est mécaniquement plus proche de l’amont agricole et peut mieux prendre en compte les spécificités des productions agricoles et inversement. Le lien au territoire peut également servir d’argument commercial à l’export, où la notion de terroir est plus fortement valorisée », complète Philippe Dubois de la Sablonière.

Des conseils de marché et des témoignages d’entreprises à retrouver dans le Guide « Agro, Où Exporter en 2025 », avec des analyses poussées par filière et des chiffres à jour sur le secteur. 2025, une année de défis ? Suivez le Guide !

Où le trouver :

-        Livres blanc "ou exporter, agro? 2025" : Télécharger la dernière édition

Source: Business France Export