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Après une année 2022 marquée par l’inflation, 2023 a été une année de relatif rééquilibrage des cours mondiaux des produits laitiers ; pour autant, les prix sont restés en moyenne élevés, et les dynamiques du marché mondial sont globalement restées les mêmes que l’année passée, entérinant les tendances déjà observées.
Un marché mondial peu dynamique
Après avoir atteint des valeurs records en 2022 en raison du contexte inflationniste, le marché mondial des produits laitiers a connu en 2023 un relatif réajustement à la baisse en valeur (-8,7 % à 104 Mds €), à la faveur de la diminution globale des prix des produits laitiers sur les cours internationaux ; comparativement à la période pré-Covid, les valeurs restent néanmoins encore très élevées, le marché mondial ayant gagné +27,1 % en valeur entre 2019 et 2023. Les volumes ont également baissé (-3,3 % à 38 M T), s’inscrivant dans la même tendance que l’année précédente.
Si les principaux exportateurs mondiaux restent inchangés (avec un Top 3 composé de l’UE, la Nouvelle-Zélande, les Etats-Unis), les dynamiques sont contrastées selon les pays. Ainsi, la Nouvelle-Zélande a connu une hausse de ses exportations en volume (+5 %) ; de même que l’Allemagne (+2,5 %) ou les Pays-Bas (+1,3 %). Les Etats-Unis, a contrario, ont connu une baisse importante de leurs exportations, aussi bien en valeur (-19,4 %) qu’en volume (-7,5 %) – malgré un maintien de la collecte laitière du pays. Principales raisons à ce recul : la forte chute de la production de poudres maigres et poudres de lactosérum, dont les Etats-Unis sont de gros pourvoyeurs mondiaux ; ainsi qu’une baisse des exportations de fromages en raison du dynamisme de la demande intérieure du pays. Notons également l’effondrement des exportations de l’Argentine (-21 % en valeur et -12 % en volume), conséquence d’une baisse de la collecte nationale consécutive à une météo défavorable ayant impacté la production laitière, entre épisodes de sécheresse et de pluie excessive ; ainsi que celui des exportations de l’Australie (-20 % en valeur et -23 % en volume), en raison de la baisse structurelle du cheptel laitier du pays, qui entraîne des pénuries chroniques de produits laitiers destinés à l’export.
Côté importations, la Chine reste le principal débouché en valeur à l’échelle mondiale en 2023 ; mais les tendances observées sont similaires à celles de 2022 avec des importations peu dynamiques, qui ont de nouveau décru (-15 % vs 2022, à 11,9 Mds €). Principale raison à cette morosité : la production chinoise de lait continue de croître (+6,3 % en 2023, à 41,8 M T), alors même que la consommation domestique reste atone, provoquant ainsi des surplus laitiers. Cet excédent a conduit le gouvernement à prendre des mesures pour stabiliser le secteur ; notamment en incitant à la transformation en poudres de lait, qui ont alimenté les stocks nationaux et ont impacté les importations pour ce produit – et particulièrement celles en provenance des Etats-Unis et de Nouvelle-Zélande. La combinaison de deux phénomènes distincts – la baisse de la natalité ainsi que la baisse du cheptel porcin – a par ailleurs provoqué une baisse des importations de poudre de lactosérum, produit utilisé pour l’alimentation infantile comme porcine. L’Allemagne, premier pays importateur de produits laitiers en volume, a également baissé ses importations (-6 % vs 2022, à 4,9 M T), en raison d’une faible vitalité de la
consommation intérieure ; à la faveur de la crise inflationniste et des incitations à consommer des alternatives végétales, les consommateurs allemands se sont en effet détournés de produits comme le beurre et, dans une moindre mesure, le fromage. Des marchés plus dynamiques ont permis d’offrir des débouchés intéressants compensant la baisse des marchés plus traditionnels : l’Espagne (+14 % en volume), l’Italie (+9 %), le Brésil (+54 %), la Grèce (+10 %) ou le Vietnam (+49 %).
Un solde commercial français qui se redresse
Des exportations de nouveau en repli
Suivant la tendance déjà observée en 2022, les exportations françaises dans le monde en 2023 observent de nouveau un repli en volume (-6%, à 2,7 M T). Elles connaissent également une baisse en valeur (-4%, à 8,98 Mds €) : cette diminution reste cependant modérée relativement à celle en volume, montrant une bonne valorisation des produits laitiers français sur les marchés internationaux dans un contexte déflationniste. Cette régression générale n’impacte pas pour le moment la place de la France à l’international : le pays continue de se positionner comme 4e exportateur mondial, que ce soit en volume ou en valeur, derrière un top 3 inchangé (composé de l’Allemagne, des Pays-Bas et de la Nouvelle-Zélande).
Première raison à cette baisse : la collecte laitière française a de nouveau connu un recul en 2023 de -2,7%, malgré des conditions climatiques plus favorables à la production que l’année précédente. En cause : une accélération de la décapitalisation du cheptel bovin et ovin - le nombre de femelles laitières bovines a ainsi baissé de -2,9 % en 2023 (baisse particulièrement marquée en Bretagne, à -3,7%, principale région productrice française) ; cette baisse du cheptel allant de pair avec une diminution du nombre de livreurs (-4,5% par rapport à 2022).
Second problème : les habituels clients de la France manquent à l’appel. La faible demande allemande a provoqué un repli des exportations françaises vers le pays de 17% en volume, à 245 782 T (mais de « seulement » -6 % en valeur, à 1,060 Md €) ; il en va de même pour la Chine avec -15,6 % en volume è 620 M T (-16,2 % en valeur) ; ou encore des Etats-Unis (-14,4 % en volume et -7,0 % en valeur). Les exportations françaises se sont de fait réorienté sur certains pays plus dynamiques, comme l’Algérie (+43 % en volume à 58 487 T et +32 % en valeur, à 256 M €), la Pologne (+22 % en volume à 47 194 T et +0,3 % en valeur à 150 M €) ou les Emirats Arabes Unis (+12,1 % en volume à 20 807 T et +17,3 % en valeur à 96 M€).
Si toutes les catégories de produits ont connu une baisse en volume des exportations (à l’exception de la catégorie « beurre et butter oil », qui a gagné +1,1% en volume), la baisse en valeur des exportations françaises a été plus spécifiquement la conséquence de la chute des exportations des ingrédients laitiers, que ce soit les poudres de lait (-6,1 % à 2 Mds €) ou les autres ingrédients laitiers (-11,7 %, à 744 M €). Les fromages ont quant à eux connu une légère croissance en valeur (+0,4 %, à 3,6 Mds €), mais une forte régression en volume (-8,1 % à 612 117 T) ; les laits et crèmes ont progressé en valeur à +3,0% mais baissé en volume (-9,4 %) ; idem pour les yaourts et babeurre (+8,2 % en valeur mais -2 % en volume).
Des importations en recul pour la première fois depuis 3 ans
Pour la première fois depuis la crise du Covid-19 en 2020, les importations françaises de produits laitiers connaissent une baisse en valeur (-9,6 % à 5,55 Mds €) comme en volume (-9,5 % à 1,4 M T). Elles ont plus particulièrement reculé pour les 4 principaux pays d’importation, qui représentent 70 % du total des importations françaises : les Pays-Bas (-10,8 % en valeur et -1,7 % en volume) ; la Belgique (-19,9 % en valeur et -15,5 % en volume), l’Allemagne (-8,6 % en valeur et -14,5 % en volume) ; l’Italie (+3,5 % en valeur et -8,9 % en volume). Le pays reste néanmoins le 4e importateur mondial. Cette baisse a concerné, au niveau des volumes, la quasi-totalité des catégories de produits, à l’exception des laits et crèmes.
Tendances 2024
Selon l’US Department of Agriculture, la collecte laitière des principaux bassins de production mondiaux devrait rester sur les mêmes bases qu’en 2024 – avec notamment une baisse des collectes européenne et néo-zélandaise, consécutive à la réduction du cheptel laitier au sein de chacune des deux zones.
La demande chinoise devrait par ailleurs rester sur la même dynamique qu’en 2023. L’augmentation de la production locale de lait en poudre, combinée aux importants stocks nationaux et à la préférence croissante des consommateurs pour les produits à base de lait cru par rapport aux produits reconstitués ainsi qu’à la diminution de la production de porcs (industrie fortement consommatrice de poudre de lactosérum), continueront d’impacter négativement les importations de poudres de lait et poudres de lactosérum. Concernant le beurre, si le pays restera fortement dépendant des importations, la croissance de la consommation intérieure devrait rester faible en 2024 : l’industrie de la boulangerie, principale vectrice de croissance sur cette catégorie, cherche en effet à comprimer ses coûts en optant pour des substituts végétaux plutôt que du beurre. En revanche, les importations en fromages devraient continuer de grimper, portées par une demande croissante.
Plus généralement, le marché mondial du fromage devrait s’accroître en 2024 (+1 % attendus pour les exportations fromages de l’UE en 2024), du fait de l’essor de la demande mondiale et d’une rentabilité supérieure à celle du beurre et des poudres de lait. Aux Etats-Unis, la fin de la crise, la hausse des revenus, et la résurgence du secteur de l’hôtellerie et du tourisme à des niveaux supérieurs à ceux de 2020 permettront de consolider la consommation intérieure de fromages, avec une croissance attendue des importations.