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Le 7 juillet 2022, FranceBiotech, l’association française de référence des professionnels de l’innovation santé fêtait ses vingt-cinq ans au campus PariSanté. Deux ans après le début de la crise sanitaire et en plein contexte d’émergence des technologies Deeptechs, les entreprises de biotechnologies faisaient figure de chefs de file de l’écosystème avec un chiffre d’affaires en forte accélération (33 % d’augmentation entre 2022 et 2023).

« Un dynamisme qui ne se dément pas en 2024 », note Cécile Heïdi Clonts, directrice du bureau suisse de Business France et coordinatrice Santé sur la zone Rhénane (Allemagne, Autriche, Suisse et Benelux). « En dix ans, le nombre de produits développés par ces acteurs a été multiplié par treize. Et même si l’accès au financement est devenu aussi délicat que partout ailleurs, les quelques 800 biotechs françaises continuent d’innover, de se diversifier et surtout… de s’internationaliser ».

LA ZONE RHÉNANE (BENELUX ET ZONE ALÉMANIQUE) : 2ÈME RÉGION BIOTECH AU MONDE

Car, dans les chiffres, l’export des biotechs françaises poursuit sa trajectoire ascendante : non seulement un quart des biotechs et medtechs tricolores déclaraient posséder une filiale à l’étranger en 2023, mais, parmi celles qui commercialisent déjà leurs produits, les trois quarts le font à l’international. « C’est un secteur qui, par sa nature innovante et risquée, recherche des synergies et coopérations à l’étranger, analyse Cécile Heïdi Clonts. Et, si les États-Unis gardent une longueur d’avance sur le nombre de projets, le continent européen, avec la zone Rhénane en son cœur, catalyse de plus en plus les opportunités de la filière ». Sur l’ensemble des implantations tricolores à l’étranger, l’Allemagne et la Belgique représentent en effet chacune 11 % des filiales, pour un total européen de 43 % – contre 42 % pour l’Amérique du Nord.

 « Il est possible d’aller encore plus loin, insiste Cécile Heïdi Clonts : la zone Rhénane est la deuxième région du monde en matière de développement biotech et elle se situe aux portes de la France. Pour des PME et ETI des biotechnologies, il y a une vraie pertinence à aller chercher des coopérations sur ces marchés car ils interviennent en miroir de l’écosystème français ».

UNE OUVERTURE À L’INNOVATION FRANÇAISE

Enjeux scientifiques, réglementaires, logistiques et surtout sociétaux (vieillissement, maladies chroniques, etc.) : les synergies sont en effet nombreuses et méritent que les acteurs français s’y intéressent de façon plus volontariste. « Pour les donneurs d’ordre locaux, privés et publics, qui sont constamment en demande d’innovation, l’expertise française en matière de thérapies cellulaires et de recherche en immunologie et maladies rares est véritablement attendue », signale Cécile Heïdi Clonts, qui insiste sur l’ouverture de ces pays à des collaborations étrangères.

 « En 2023, suite au programme d’accélération French Healthcare Booster[1] que Business France a développé en Allemagne avec une dizaine de sociétés françaises, trois pilotes ont été signés et cinq produits ont pu être lancés sur le marché allemand », témoigne-t-elle.

Une expérience que les équipes du bureau de Düsseldorf renouvellent cette année avec l’édition 2024. « Attention, même si le Booster est concentré sur le marché allemand, cela ne signifie pas qu’il faut simplement considérer ce marché : l’Allemagne est une porte d’entrée mais elle n’est pas la seule, les opportunités sont nombreuses également en Suisse, en Belgique ou dans les autres pays de la zone. L’idée étant d’avoir un parcours au sein de la région, au gré des besoins et des stratégies locales.

Car la zone Rhénane ne peut être envisagée comme une région uniforme, en raison des caractéristiques économiques et des projets de financements propres à chaque territoire. « Pour simplifier, on peut dire que, pour ce qui concerne le secteur de la santé, et plus particulièrement des biotechs, il y a deux grandes zones au sein de la région, explique Cécile Heïdi Clonts : la zone Alémanique ou zone DACH (Allemagne, Autriche et Suisse) et la zone Benelux (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg) qui présentent l’une et l’autre des opportunités différenciées ».

BENELUX : PÔLES DE RECHERCHE ET EFFICACITÉ LOGISTIQUE

Si l’industrie de la Santé de la zone DACH est majoritairement tirée par la présence de grands donneurs d’ordre historiques (ex : Bayer, Novartis, Boehringer Ingelheim, Roche…), les pays du Benelux brillent surtout par le dynamisme de leurs pôles de recherche et l’efficacité logistique qu’apporte la présence d’infrastructures multimodales – « indispensable pour un secteur internationalisé comme celui de la santé ». « Dans les pays du Benelux, on estime que les biotechs contribuent pour 15 milliards d’euros au PIB de la zone ; et certaines spécialités de recherche placent ces pays en figure de proue de l’innovation », cite Cécile Heïdi Clonts.

 Selon une étude menée en 2021 par l’agence Brit-Med, spécialiste du tourisme médical, les Pays­Bas seraient la seconde nation mondiale en matière de traitement contre le cancer, derrière l’Australie. Le pays se hisserait également à la cinquième place mondiale concernant la médecine régénérative et bénéficierait du rayonnement international du cluster de Leiden Bioscience Park pour attirer les projets de thérapie génique.

« Du côté de la Belgique, c’est le Biopark de Charleroi qui est particulièrement actif, avec la concentration de plus de 20% de la production européenne destinée aux thérapies géniques et cellulaires », signale Cécile Heïdi Clonts. En son sein, l’Institut de Biologie et de Médecine Moléculaire réunit environ 200 scientifiques autour de la recherche en diagnostics moléculaires. « Et, au Luxembourg, c’est l’Institut Luxembourgeois de la Santé (LIH) qui est en première ligne pour les travaux sur la médecine personnalisée, une thématique inscrite à l’agenda politique des trois pays du Bénélux ».

CINQ PRIORITÉS COMMUNES

Médecine personnalisée, thérapie génique et cellulaire, diagnostics moléculaires, immunothérapie et, bien sûr, production de médicaments finis ou semi-finis : la dynamique de la zone Rhénane se construit autour de ces cinq segments porteurs, considérés comme prioritaires et transversaux. À titre d’exemple, le projet pan-européen de médecine personnalisée Personalised Medicine Trials (2020-2022) réunissait presque tous les pays de la région, à l’exception de l’Autriche… Lequel n’est pas en reste puisqu’il développe un site de 6000 mètres carrés autour de cet enjeu, sur le campus de l’Université de médecine de Vienne (un projet de 90 millions d’euros, financés à la fois par l’Union européenne et par le gouvernement fédéral).

EN ZONE DACH, DES PROJETS D’INNOVATION TIRÉS PAR LES GRANDS GROUPES

Car si l’Autriche ne dispose pas de laboratoires nationaux de grande ampleur, au même titre que ses voisins allemand et suisse, elle peut s’enorgueillir d’un rôle pionnier dans la R&D. Le Vienna BioCenter est ainsi reconnu comme l’un des plus grands pôles européens de sciences de la vie, hébergeant notamment l’Institut de Recherche en Pathologie Moléculaire (IMP) ; tandis qu’à Vienne également, le géant japonais Takeda s’est décidé à ouvrir un centre d’innovation autour du cancer et des maladies rares.

« L’innovation est un moteur puissant sur la zone DACH : certes, celle-ci joue les premiers rôles sur le terrain économique, avec un chiffre d’affaires pharmaceutique de 103,64 milliards d’euros (dont 33,7 milliards pour les biotechnologies), mais cette maturité n’est pas synonyme de frilosité, bien au contraire », avertit Cécile Heïdi Clonts.

 En Suisse notamment, Novartis a ouvert en 2023 un site de production de technologies de pointe pour la fabrication de médicaments à base d’ARN Messager, tandis que son concurrent Lonza annonce investir près de 100 millions de francs suisses dans le développement de traitements contre le cancer. « Et puis on peut citer l’arrivée sur le marché de l’entreprise NewBiologix avec son slogan “Gene Therapy for Everyone” qui porte la promesse d’ouvrir l’accès aux thérapies géniques », cite Cécile Heïdi Clonts.

En Allemagne, c’est l’ampleur industrielle des projets d’innovation et de développement qui attire l’attention. En 2023, on comptabilisait d’ores et déjà plus de cent médicaments utilisés de manière personnalisée. Et, du côté des traitement d’immunologie, la proportion réalisée par des acteurs allemands atteignait 29 % des parts de marché à échelle mondiale… Sans compter que sur la partie moléculaire, l’Allemagne a fait inscrire vingt-cinq centres hospitaliers comme centres de références pour la recherche européenne dans ce domaine.

 « Cette force de frappe peut intimider certaines jeunes pousses françaises, analyse Cécile Heïdi Clonts. Pourtant, les donneurs d’ordre sont en recherche constante de différenciation et prêts à ouvrir leur carnet de partenaires et sous-traitants pour peu que la solution proposée témoigne d’avancées techniques et scientifiques démontrables ».

PROFITER DES SALONS POUR VENIR DÉCOUVRIR LA ZONE

Les entreprises françaises ont d’ailleurs déjà commencé à investir la zone avec, au-delà des acteurs traditionnels comme bioMérieux, Sanofi ou Servier, l’arrivée de biotechs plus récentes, attirées par des coopérations. La pépite Nanobiotix a ainsi signé un partenariat avec le belge Janssen, tout comme Cellectis, investie auprès de Bayer sur la partie agrochimique ; et Valneva, par sa double nationalité franco-autrichienne, témoigne également des coopérations pouvant exister entre les équipes de ces deux pays.

 « La capacité d’intégration dans un écosystème local est vraiment un facteur décisif pour convaincre ses interlocuteurs, appuie Cécile Heïdi Clonts. La démarche ne peut pas être un one shot, il faut montrer que l’ancrage est appelé à durer, via un agent de représentation, un partenariat ou, pour les plus avancés, une filiale ».

Elle invite les sociétés à venir découvrir la zone « pas à pas, pays par pays », sans forcément avoir une stratégie immédiate sur l’ensemble de la région – « sinon celle d’être à minima préparés au fait culturel dans la pratique des affaires ». « Les événements professionnels sont une bonne occasion de venir rencontrer les acteurs locaux d’un pays, sachant qu’il y en a une dizaine dans l’année rien que sur ces six pays : de quoi avoir le choix et opérer un ciblage en amont ! » L’année dernière, les équipes de Business France Suisse avaient notamment accompagné des startups de la biotech sur BIO­Europe Spring, un salon européen itinérant dont l’édition 2023 était installée à Bâle. « Les donneurs d’ordre rencontrés sur place ont clairement fait connaître leurs besoins de sourcing… »

LES BIOTECHS AU CŒUR DE FRANCE 2030 EXPORT

Par son impact économique et par la richesse scientifique de son terreau d’innovation, la zone Rhénane est donc un incontournable du paysage des biotechnologies. Loin de concurrencer son voisin tricolore, elle offre des opportunités de débouchés à des acteurs français en quête de développement. « Ces opportunités ne sont peut-être pas encore suffisamment perçues et anticipées par l’écosystème hexagonal, qui reste happé par le pôle américain. Nous souhaitons donc inviter les entreprises françaises à regarder plus près de chez elles, sur le sol européen, où les projets de thérapies innovantes sont très nombreux » analyse Cécile Heïdi Clonts.

 En effet, la HealthTech fait partie des filières prioritaires soutenues par le Programme France 2030 du Secrétariat Général pour l’Investissement (SGPI) dont Business France opère le volet « internationalisation ». « L’ambition est de développer l’impact international de France 2030 en accompagnant de façon plus suivie un millier de PME et ETI lauréates dans un parcours export personnalisé et de long terme », rappelle Cécile Heïdi Clonts. L’occasion de souligner que les biotechnologies sont considérées comme un secteur d’avenir de l’économie, avec un potentiel important à l’international. « Et, dans ce paysage d’opportunités, la zone Rhénane figure en pole position », conclut Cécile Heïdi Clonts.

[1] Programme d’accompagnement prévu sur dix mois pour les entreprises françaises du secteur de la Santé. Une dizaine d’entreprises sont sélectionnées par un jury et suivent le programme en trois étapes : la préparation amont, la projection dans le pays et la pérennisation des actions. À la clé : une implantation physique ou commerciale sur le marché.

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