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Arabie Saoudite - Riyad

Au printemps 2024, la production d’électricité d’origine renouvelable en Arabie Saoudite s’élevait environ à 5 gigawatts (GW)[1] sur tout le territoire.

En 2030, selon les annonces du gouvernement, ce chiffre devrait atteindre... 130 GW, soit une accélération exceptionnelle de 20 GW par an.

« L’enjeu pour l’Arabie Saoudite est double, explique Yanis Marsa, conseiller export sur les questions industrielles et cleantech au bureau Business France d’Arabie Saoudite. Il s’agit, d’une part, de démontrer au monde qu’un pays fortement dépendant des énergies fossiles est capable d’engager sa transition énergétique et d’atteindre ses objectifs de neutralité carbone d’ici 2050 et de net zero d’ici 2060. Et d’autre part, il s’agit de développer une nouvelle activité commerciale exportatrice pour le Royaume, dans l’optique de l’après-pétrole ».

[1] D’après GlobalData

Un potentiel immense, des besoins multiples

Car les conditions de production d’énergies renouvelables sont particulièrement favorables au sein du Royaume, et pourraient intéresser les voisins de la zone du Golfe : les plans du gouvernement tablent sur des attentes en électricité d’origine renouvelable (ENR) de l’ordre de 17 GW dans la région. Des besoins qui s’expriment également de façon prioritaire sur la consommation domestique, puisque l’Arabie Saoudite pointe à la onzième place mondiale en matière de consommation totale d’énergie primaire. Au total, l’Arabie Saoudite vise un mix électrique appuyé à 50% sur le renouvelable d’ici 2030.

« Par ses caractéristiques naturelles où l’immensité du foncier répond à des conditions d’ensoleillement et de vent favorables, l’Arabie Saoudite présente un potentiel important pour les ENR : le Royaume est ainsi considéré comme le 6e pays le plus prometteur en matière de production d’énergie solaire et le 13e pour l’éolien[1] », signale Yanis Marsa.

Un potentiel qui explique que le pays se soit lancé dans une véritable course à l’équipement solaire, éolien, mais aussi biomasse depuis 2017 et son « National Renewable Energy Program » (NREP) : au total ce ne sont pas moins de trente-cinq projets d’infrastructures ENR qui ont été planifiés d’ici 2030, dont 13 sont en cours de développement en 2024 – avec un objectif de 58,7 GW pour le solaire et 40 GW pour l’éolien d’ici 2030.

[1] Selon Shell global Energy Resources Database

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Trente-cinq projets de parcs solaires et éoliens…

Depuis le déploiement de cette feuille de route, six rounds d’appels à projets ont été lancés par le ministère de l’Énergie national pour permettre la construction de parcs solaires et éoliens, pour un total de vingt-quatre projets lancés à date. Et sur ces vingt-quatre projets, quatre ont été menés en partenariat avec une entreprise française ».

Ainsi en est-il du projet Dumat Al-Jandal, premier projet éolien de grande ampleur du Moyen Orient, mené en tandem par EDF Renewables et la société émirienne Masdar depuis 2019 pour une capacité de 400 MW. Mais aussi les projets solaires Jeddah (300 MW) et Al Henakiyah (1,1 GW) attribués au même tandem. Dans le domaine du solaire, l’entreprise TotalEnergies s’est également distinguée en remportant le projet Wadi Ad Dawasir au sein d’un consortium avec le japonais Toyota et le saoudien Altaaqa Renewables. « Ces projets témoignent de la présence croissante des entreprises françaises malgré la concurrence des géants américains et asiatiques », note Yanis Marsa.

… et une concurrence internationale

Ainsi, si la plupart des projets sont attribués au leader national du renouvelable, ACWA Power, les contrats d’ingénierie, de construction et de fourniture font apparaître un portefeuille très cosmopolite de sociétés : sur le méga-projet solaire Sudaïr (qui totaliserait à terme 1,5 GW de capacité), c’est l’indien Larsen & Tourbo (L&T) qui a décroché le contrat d’ingénierie et qui a poussé la technologie américaine TrueCapture pour le monitoring des panneaux photovoltaïques. Sur le projet Rabigh (300 MW), c’est le chinois China Energy qui s’est vu confier la maîtrise d’œuvre. « Vu le savoir-faire français, il est possible d’être encore plus présent sur ces projets d’avenir », insiste Yanis Marsa. D’autant que les voies d’accès peuvent être diversifiées : si un tiers des projets sont attribués par appels d’offres ministériels, le reste des investissements est piloté par le fonds souverain PIF avec un process de négociations directes avec les acteurs privés (contrats de vente d’électricité sur vingt-cinq ans). « Les projets sous mandat du PIF sont souvent des projets à fort impact, avec une capacité installée de plusieurs gigawatts. C’est le cas de la ferme solaire Sudaïr, mais aussi plus récemment de Shuaibah 1&2, qui prévoit la construction de la plus grande centrale solaire du Moyen Orient (avec plus de 2 GW de capacité installée) ».

Renforcer la présence française sur l’hydrogène décarboné

Dans cette course vers la production d’énergies renouvelables et, plus globalement vers la neutralité carbone, les projets issus du NREP et mandatés par la SPPC (Saudi Power Procurement Company) sont donc le principal outil. « Mais ce n’est pas le seul levier d’action : les grands projets de construction comme NEOM et Red Sea project servent également de laboratoires pour la production et la consommation d’énergies décarbonées ». Ainsi, le site Oxagon du projet NEOM prévoit d’héberger la plus grande usine mondiale de production d’hydrogène vert, NEOM Green Hydrogen Project, avec un objectif de production de 600 tonnes d’énergie décarbonée par jour d’ici 2026-2027 – un projet mené par la joint-venture NGHC constituée par la saoudienne ACWA Power et l’américaine Air Products pour un total de 8,4 milliards de dollars. « L’hydrogène vert est une autre direction empruntée par les autorités saoudiennes pour décarboner le mix énergétique, confirme Yanis Marsa. L’objectif initial annoncé est de produire 250 000 tonnes d’hydrogène vert par an d’ici 2026.

Afin de renforcer les positions françaises dans le domaine de l’énergie et notamment celui de l’hydrogène décarboné, un protocole d’accord a été signé en février 2023 entre les deux gouvernements (la France étant représentée par la ministre de la Transition Énergétique en fonction, Agnès Pannier-Runacher) : il prévoit une coopération resserrée des deux pays autour de l’hydrogène et de l’électricité produite à partir de ressources renouvelables, notamment dans les domaines du développement technologique, de la coopération commerciale et de la reconnaissance mutuelle d’un cadre réglementaire de certification. Cependant, cet accord stratégique ne devrait être activé qu’à partir de 2025, avec la tenue de deux événements organisés par Business France, l’un sur les thématiques de décarbonation des hydrocarbures et l’autre sur la production d’hydrogène et d’énergies renouvelables.

Le French Hydrogen & Energy Tour 2025

Ce dernier, intitulé French Hydrogen & Energy Tour 2025 devrait se tenir à Riyadh et Dammam en mai 2025 (du 19 au 21 mai) : il vise à sensibiliser les acteurs des filières Hydrogène et ENR aux opportunités saoudiennes et à mettre en relation les représentants de l’expertise et du savoir-faire français avec les donneurs d’ordre publics et privés du Royaume. « Nous organisons ces rencontres parce qu’il y a de fortes attentes côté saoudien : le calendrier étant exigeant, ils recherchent des solutions de qualité, immédiates et opérationnelles », témoigne Yanis Marsa.

Des efforts de décarbonation industrielle

Mais la production d’énergie renouvelable et décarbonée n’est pas le seul volet de transformation du Royaume : du côté du secteur Oil and Gas traditionnel, des actions de décarbonation sont également engagées pour limiter l’empreinte environnementale de la filière. Des géants comme Saudi Aramco (production pétrolière) et Sabic (transformation chimique) veulent ainsi démontrer leur capacité à réduire leurs émissions tout en maintenant de forts niveaux de production (comme en témoigne le projet de hub d’innovation et d’efficacité énergétique SPARK, porté par Saudi Aramco). « Ces industriels avancent des feuilles de route de décarbonation ambitieuses en même temps que des chiffres de développement de leurs activités fossiles traditionnelles : Saudi Aramco a ainsi déclaré vouloir augmenter sa production de pétrole à 13 millions de barils par jour d’ici 2027 et accroître ses ventes de gaz de 60% d’ici 2030… Cela signifie donc qu’en parallèle, ils misent sur l’innovation et l’efficacité énergétique pour atteindre leurs objectifs de décarbonation », analyse Yanis Marsa.

La promesse des technologies CCS

2023, dix milliards de dollars avaient ainsi été alloués au développement de technologies de décarbonation : parmi celles-ci, les innovations en matière de capture et stockage de carbone (CCS) faisaient l’objet d’une attention particulière. « Saudi Aramco s’est ainsi lancé dans le projet Jubail Hub qui vise à capter 9 millions de tonnes de CO2 d’ici 2027, rappelle Yanis Marsa. C’est un premier pas dans une feuille de route qui prévoit la captation de 44 millions de tonnes de CO2 au total d’ici 2035 ». Le site de Yanbu qui héberge déjà une ferme éolienne devrait également faire l’objet d’une transformation en cluster CCS.

Au-delà : efficacité énergétique et circularité

« Les technologies CCS sont la partie émergée des efforts de décarbonation des industriels : de nombreux chantiers d’efficacité énergétique et de circularité sont également engagés pour optimiser les ressources », poursuit Yanis Marsa. Ainsi, le projet SATORP mené conjointement par TotalEnergies et Saudi Aramco, près du site de Jubail, met en avant la production de polymères recyclés et la production de carburants aériens durables (SAF) à partir d’huiles de cuisson usagées. Un projet qui témoigne là encore de la présence française sur ces sujets…

« Les Saoudiens sont en recherche de solutions d’efficacité énergétique, de circularité et de CCS sur toute la chaîne de valeur de l’industrie chimique, pétrochimique et gazière : il est donc nécessaire que les Français fassent valoir leur savoir-faire en la matière, car la période est optimale ».

Les "French Saudi Decarbonization Days"

Pour accélérer la rencontre avec les donneurs d’ordre (industriels, prestataires ou opérateurs du PIF) et les prescripteurs du secteur (notamment les pôles universitaires KACST ou KAPSARC), un autre événement de networking est organisé par le bureau de Business France, cette fois-ci en février 2025 : du 16 au 18 février 2025, une vingtaine d’entreprises françaises auront ainsi rendez-vous à Dammam pour les French Saudi Decarbonization Days. « Un événement réalisé en partenariat avec le ministère de l’énergie saoudien, Saudi Aramco et SABIC », précise Yanis Marsa pour souligner l’implication et les demandes des secteurs publics et privés saoudiens dans cette recherche de solutions françaises. Une session de pitchs auprès de ces donneurs d’ordre est d’ailleurs prévue au cours de l’événement.

« À travers ces deux événements (les French Saudi Decarbonization Days et le French Hydrogen & Energy Tour), nous souhaitions attirer l’attention de l’offre française sur la réalité des projets de transition énergétique menés en Arabie Saoudite : il ne s’agit pas seulement d’annonces… Il y a des feuilles de route, des projets en cours et des budgets engagés. D’où notre appel à rencontrer cet écosystème et prendre en compte les besoins ».

Au total, ce sont 250 milliards de dollars qui sont engagés sur la question de la transition verte d’ici 2030 avec un objectif de réduction de 278 millions de tonnes de carbone par an d’ici 2030.