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En 2023, un produit de parfumerie sur cinq fabriqué en France a été exporté aux États-Unis. Un chiffre symbolique qui témoigne de l’omniprésence du marché américain dans la balance commerciale cosmétique française. « Les États-Unis restent la première destination des cosmétiques françaises, confirme Cloé Dupont, chargée d’affaires export Amérique du Nord pour Business France. Mais il n’est pas toujours aisé de pénétrer ce marché et, dans cette optique, une exploration du voisin canadien peut être une bonne rampe d’accélération »

L’Amérique du nord en quête d’innovation cosmétique

LE MARCHÉ NORD-AMÉRICAIN DU POST-COVID

Car avec son marché de 10,3 milliards de dollars[1] pour 39 millions d’habitants, le secteur cosmétique canadien ne fait certes pas le poids face au réservoir de consommation que représente son homologue américain (119 milliards pour 333 millions d’habitants), mais il reste tout de même un pôle d’opportunités important, particulièrement en cette période. « Au Canada, contrairement aux États-Unis, les distributeurs restent ouverts à de nouvelles marques donc il est possible d’y établir un premier ancrage, s’y faire connaître et ensuite passer aux États-Unis », explique Cloé Dupont.

Car la physionomie du marché nord-américain des cosmétiques a été profondément bouleversée par l’après-COVID : inflation galopante, congestion logistique et retrait des distributeurs ont perturbé les flux d’exportation, faisant chuter la croissance de l’export de +26,7% en 2022 à +2,8% en 2023. « Le marché américain est toujours accessible et la France reste le deuxième fournisseur en valeur des États-Unis, insiste Cloé Dupont, mais il faut désormais cibler directement les détaillants ou le e-commerce, ce qui est forcément plus complexe ». D’où la suggestion du Canada comme passerelle accélératrice…

 Dans les faits, les deux marchés ont des évolutions comparables : une croissance toujours maintenue (5,3% aux États-Unis, 18% au Canada) et une prédominance des soins dermo-cosmétiques devant le maquillage, les soins capillaires et les parfums. « Ce qui ressort, c’est surtout une tendance à la premiumisation de part et d’autre de la frontière : l’inflation a conduit le consommateur à acheter moins mais mieux. Ces deux marchés se sont tournés vers des produits de luxe abordable, plutôt que vers le mass market ».

Conséquence : les opportunités pour les exportateurs français se situent plutôt dans les grands centres urbains des deux côtes américaines et dans les métropoles du Québec, de l’Ontario, du Texas et de la Floride. Avec un facteur clé de succès principal : l’innovation. « Les Américains et les Canadiens ne feront l’effort de connaître une marque que si elle apporte quelque chose de nouveau sur leur marché, que ce soit un ingrédient, un concept de packaging ou une recette de formulation », rappelle Cloé Dupont. Les récentes percées françaises sur le marché témoignent d’ailleurs de ces segments de niche : cosmétiques personnalisées Prose, parfums pour enfants Sophie La Girafe, matériel capillaire La Bonne Brosse ou encore compléments alimentaires et skincare Aime…« Il y a de la place pour toute marque qui s’inscrit dans les tendances globales du marché nord-américain », ajoute Cloé Dupont. À savoir : clean beauty, inclusivité, personnalisation et… « cliniquement prouvé » !

 CLEAN BEAUTY, INCLUSIVITÉ ET PERSONNALISATION : LES TENDANCES 2024

Car les consommateurs locaux attendent avant tout de l’efficacité et un impact du produit sur leur routine beauté. Et l’aspect sain et naturel agit comme un catalyseur : « Derrière la clean beauty, il y a l’idée que le produit sera plus sain pour le corps et donc pour leur beauté, mais aussi que l’aspect environnemental sera défendu », confirme Cloé Dupont. Si ces concepts sont déjà bien implantés en Europe, ils sont encore naissants en Amérique du Nord : les produits zéro déchet (de type shampooing solide) y sont très limités et, au Canada, la réduction des sacs plastiques en boutique n’est généralisée que depuis un an. Une prise de conscience en décalé qui peut créer des relais de croissance pour les marques de cosmétiques spécialisées sur ces problématiques.

 Au-delà, c’est le segment de la beauté personnalisée qui connaît une forte accélération : diagnostic ciblé, formulation customisée, quiz en ligne… Les cosmétiques se segmentent pour mieux répondre aux besoins des consommateurs. Et l’aide de la technologie peut favoriser l’intérêt des consommateurs, comme c’est le cas avec la pépite américaine Proven Skincare qui fait reposer la formulation de ses cosmétiques sur les données des clients et de leurs environnements géographiques. « Cependant, précise Cloé Dupont, à l’échelle du marché, l’usage de la technologie est surtout focalisé sur la relation client, les exemples liés à la formulation étant plus niche ».

 À l’inverse, la niche qui prend de plus en plus d’ampleur et qui tend à se généraliser, est celle de l’inclusivité, c’est-à-dire l’adaptation des soins capillaires et des dermo-cosmétiques à toutes les origines ethniques. « C’est maintenant devenu un quasi standard du marché : il faut pouvoir répondre aux différentes carnations de la peau et aux besoins spécifiques en matière d’hydratation, d’éclat, etc ». Depuis l’explosion de la marque Fenty Beauty, portée par la chanteuse Rihanna, les marques cherchent à démontrer leur ouverture, et ce souci de diversité s’incarne également dans la dimension genrée : « Certaines marques développent une gamme masculine ou tendent vers l’unisexe, témoigne Cloé Dupont. C’est notamment le cas dans la parfumerie ».

 PRIORITÉ SUR LE MARKETING

La résonance de ces tendances sur le marché conduit tout naturellement les distributeurs et détaillants à privilégier l’importation de marques issues de ces segments. « Pour accéder au marché nord-américain et s’imposer sur ce territoire très concurrentiel, il faut absolument suivre les tendances sur les réseaux sociaux, à commencer par TikTok (aussi puissant qu’Instagram, voire davantage pour la génération millenial) ; et bien sûr, il est impératif de consacrer un budget conséquent pour s’y faire connaître », conseille Cloé Dupont. L’embauche d’une agence de communication locale est bien souvent un pré-requis du marché afin de pouvoir adapter les messages de communication aux attentes spécifiques du consommateur nord-américain. Et la stratégie de partenariat, avec un influenceur local ou une marque, sera plus facilement gagnante à condition de faire preuve de souplesse côté budget.

 « La communication, tout comme la culture des affaires sur place, privilégie la concision et l’immédiateté de la promesse : il faut aller droit au but, marteler sa proposition de valeur et son identité sans forcément s’étaler (même si le storytelling est bien vu, mais en complément). Pour cette raison, nous demandons aux entreprises que nous accompagnons de nous fournir un one-pager, qui résume à lui seul les infos-clés de la société et ses atouts », précise Cloé Dupont. De plus, au Québec, la nécessité de tout traduire dans les deux langues crée un surplus de travail qu’il ne faut pas négliger : « Même si nous conseillons aux entreprises de commencer leur implantation par le Québec pour cet environnement francophone, il faut qu’elles aient en tête que le nom de leurs produits sera amené à être traduit ! ».

 ANTICIPER LES DÉMARCHES EN DOUANE ET CÔTÉ LOGISTIQUE

Des contraintes réglementaires qui ne sont pas isolées, tant l’agence Santé Canada se montre pointilleuse sur les contrôles et l’enregistrement de produits. Dans cette optique, les démarches doivent être anticipées, aussi scrupuleusement qu’auprès de sa voisine américaine, la FDA, qui vient de renforcer son arsenal réglementaire en publiant le Modernization of Cosmetics Regulation Act (MoCRA) en 2022. « Le MoCRA, toute la filière s’y est préparée, rassure Cloé Dupont. Il faut bien vérifier en amont les listes d’ingrédients autorisés car elles ont été mises à jour et prévoir du temps pour répondre aux formalités de traçabilité ».

Ensuite, c’est l’aspect logistique qui devra être anticipé car, sur le sol américain, les détaillants préfèrent disposer d’un stock sur place pour assurer une meilleure réactivité à la clientèle : le recours aux third party logistics (3PL), ces nouveaux acteurs de l’entreposage issus de la crise post-COVID, sera alors largement conseillé : « Les 3PL assurent le recueil et le stockage de la marchandise, avant de la dispatcher auprès de détaillants : en cela, ils suppléent les distributeurs qui ont recentré leurs activités sur leurs clients existants », analyse Cloé Dupont.

POUR UNE APPROCHE GAGNANTE DU MARCHÉ NORD-AMÉRICAIN

Réglementation, communication, logistique… la liste de contraintes d’accès à ces deux marchés peut sembler longue, et pourtant le ROI d’une aventure nord-américaine est bel et bien attractif pourvu que l’entreprise sache prendre son temps. « Au Canada, on estime qu’il faut trois ans – un peu plus aux États-Unis car il faut vraiment adapter son produit au business local ». Mais l’impact en matière d’image et de consommation vaut le prix de la démarche : au Canada, l’entreprise de cosmétique scientifique Alphascience parle ainsi de « relai de croissance significatif » tandis que, pour sa consœur Vivaligne, laboratoire de dermo-cosmétiques anti-âge, c’est « un beau succès », en seulement quelques mois de lancement. « Pour Vivaligne, nous avons ciblé le segment B2B (spas et instituts de beauté notamment) et les distributeurs spécialisés skincare, et cela a bien fonctionné », appuie Cloé Dupont.

 Car le ciblage des circuits de distribution est bien évidemment la clé d’accès à ces marchés. Si le réseau des distributeurs constitue encore la pierre angulaire du maillage au Canada, leur retrait progressif post-COVID aux États-Unis contraint les exportateurs à une approche plus granulaire. « Nous conseillons beaucoup le e-commerce et notamment Amazon : si les consommateurs européens l’associent plutôt à des marques mass market, le positionnement américain est bien plus premium avec des enseignes de luxe qui passent par ce canal. Le simple fait qu’ils puissent livrer sur l’ensemble du territoire est un argument de poids », signale Cloé Dupont.

Depuis la crise sanitaire, les ventes via les canaux digitaux ont explosé : de 13,5% de la distribution en 2021, elles représentent désormais 29% aux États-Unis (et 21,3% au Canada), la plupart effectuées sur les e-stores des grands magasins physiques. « Parmi les enseignes beauté à la fois online et offline les plus emblématiques, on peut citer Bluemercury, Credo Beauty ou encore The Detox Market, énumère Cloé Dupont. Pour les marques françaises, nous fléchons souvent sur The Detox Market car c’est un magasin fondé par un Français, Romain Gaillard ». D’ailleurs, une autre enseigne tricolore devrait bientôt ouvrir ses portes (et de nouvelles perspectives aux exportateurs nationaux) : le Printemps, qui promet de lancer son premier magasin américain à New York en 2025. « Cela apporte de la crédibilité d’être présent en magasin physique ou department store américain, on peut ensuite travailler la notoriété de la marque et, in fine, attirer l’attention des fameux distributeurs… ».

 COSMOPROF MIAMI

Pour toutes ces raisons, les équipes de Business France attendent de nombreuses entreprises sur la seconde édition du congrès Cosmoprof qui se tiendra à Miami du 21 au 23 janvier 2025 (en complément du traditionnel congrès Cosmoprof Las Vegas) : en 2024, vingt-sept sociétés avaient exposé sur le pavillon France, l’ensemble de la filière étant représenté (ingrédients, packaging, formulation, produits finis). « Cosmoprof est un passage obligé dans le parcours de notoriété que les exportateurs doivent patiemment emprunter : cela leur permet de semer les premières graines, de comprendre comment fonctionne le marché et de rencontrer leurs premiers donneurs d’ordre », confirme Cloé Dupont.

Un autre événement devrait suivre en 2025, en lien avec les opérations de promotion de l’art de vivre à la française. « Il y a une identité haut de gamme à défendre sur ces segments, et le secteur des cosmétiques français est particulièrement attendu là-dessus en Amérique du Nord, conclut Cloé Dupont. C’est le moment de venir se montrer ! »

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[1] Équivalents à 14,2 milliards en dollars canadiens