Date de publication :
En Suède et au Danemark, 99% des ordonnances médicales sont électroniques tandis qu’en Finlande, 100% des documents de santé sont digitalisés. Des chiffres qui donnent le tournis en matière d’intégration des nouvelles technologies dans les pratiques des patients et des soignants. « Les pays nordiques ont une longueur d’avance dans ce domaine, avec des patients qui adoptent volontiers ces solutions, explique Soline Rémond, conseillère export sur le secteur Santé pour Business France en Suède. Pour les acteurs français de la Health Tech, ce dynamisme de marché, à deux heures de vol en moyenne, est une occasion unique de tester des solutions à grande échelle ».
Immersion Santé Digitale dans les Pays Nordiques
Du 1er avril au 31 octobre 2025, les équipes de Business France organisent le premier programme d’immersion consacré à la Santé Digitale dans les pays nordiques. Un programme en quatre étapes (préparation et séminaires d’information, déplacement collectif en Suède, mission de prospection individuelle, pérennisation) dont le temps fort sera la visite du salon Vitalis à Göteborg du 19 au 22 mai 2025, un événement de référence en matière de technologies de santé dans la région (6000 visiteurs). « L’événement se passe en Suède mais la mission d’immersion intégrera également un volet Danemark et Finlande », précise Soline Rémond.
Des stratégies d’innovation E-Santé et MedTech depuis vingt ans
Car ces trois pays présentent chacun un caractère pionnier dans le domaine de la E-Santé et de la MedTech, à la faveur de stratégies nationales ambitieuses.
Ainsi, au Danemark, les efforts ont porté très tôt sur l’harmonisation et la gestion des données de santé, grâce à la mise en ligne dès 2003 du portail public sundhed.dk qui permet à tout citoyen d’accéder à ses informations personnelles. « Le Danemark est emblématique de la confiance que témoigne la population à ses autorités publiques quand il s’agit de traiter et communiquer les données, explique Annemette Jensen, conseillère export Santé au Danemark pour Business France. Le taux de confiance atteint 72% ». Un avant-gardisme sur la data qui se traduit par la mise en service d’un numéro d’identité central (CPR) permettant à tout citoyen d’être identifié et à tout professionnel d’accéder à cette donnée sur simple justification d’un besoin médical.
En Finlande, la mutualisation des données est également la clé de voûte des services Health Tech, avec un identifiant unique national par patient et une utilisation accrue de la data à des fins d’innovation : Findata est ainsi l’organisme chargé de l’autorisation des accès, tandis que le portail Fingenious agglomère les données biomédicales à destination des chercheurs. « La Finlande possède une des bases de données les plus complètes au monde, ainsi qu’un terreau innovant d’entreprises qui la placent parmi les acteurs les plus avancés de la E-Santé et de la MedTech », signale Marianne Kaltiokumpu-Blomgrén, conseillère export Santé en Finlande pour Business France. Une véritable industrie des technologies de santé s’est ainsi développée en lien avec les dispositifs médicaux, permettant au pays d’afficher une balance commerciale largement excédentaire dans ce domaine (1,6 milliards d’euros en 2023). « Mais cela ne signifie pas qu’il n’y a pas d’import, au contraire : les Finlandais sont très attentifs aux solutions innovantes qu’ils n’auraient pas sur leur marché ».
Quant à la Suède, marché Health Tech prioritaire de la zone (près de 600 millions d’euros prévus sur 2024, en comparaison des 320 du Danemark et des 302 de la Finlande), elle affiche une stratégie nationale dans le domaine depuis 2006 et entend devenir le leader mondial dans l’exploitation des opportunités E-Santé selon le plan Vision eHealth 2025. Pour cela, l’Etat et les régions ont investi, en 2023, 7 millions de plus que les 100 millions annuels habituels pour la structuration d’une infrastructure digitale de santé au niveau national. « Comme ses voisins, la Suède peut compter sur une population très proactive sur la question de la santé digitale : 78% des suédois expriment ainsi des avis positifs concernant la plateforme 1177, la plateforme nationale d’information médicale et de prise de rendez-vous », témoigne Soline Rémond. Une appétence digitale qui a propulsé la startup suédoise pionnière Kry au rang de licorne, avec l’ouverture de nombreuses filiales dans le monde (dont LIVI en France).
Nouveaux besoins, nouveaux usages : l’essor de l’IA et de la robotique
À l’heure d’aborder de nouveaux enjeux de santé, ces trois pays sont donc tous armés pour constituer des bassins d’innovation et de nouveaux usages. « Ces marchés agglomèrent 27 millions d’habitants et investissent de façon massive dans leurs systèmes de santé (de 10 à 11,5% de leur PIB), continue Soline Rémond. Si ces derniers sont en grande majorité financés par le secteur public (plus de 85%), il existe une grande culture de coopération entre le public, le privé et les instituts de recherche qui permet d’accélérer l’innovation ».
Au cœur des années 2020, ces pays sont confrontés aux enjeux de santé que rencontrent la plupart des pays de l’OCDE : vieillissement, maladies chroniques, conduites à risque, mais aussi pénurie de personnels soignants et enjeux autour de la dépendance. En Suède, tous ces enjeux sont intégrés à la feuille de route digitale du pays, entre création de l’infrastructure nationale de soins et accélération des applications ciblées sur les établissements de soins à horizon 2027 (distributeurs de médicaments, surveillance digitale, alarmes, etc).
« En Finlande, de gros efforts sont faits pour créer des services de télésurveillance capables d’aider les personnes à préserver leur autonomie et se maintenir à domicile, signale Marianne Kaltiokumpu-Blomgrén. Mais on cherche également davantage de solutions de robotique et d’IA pour décharger les soignants des tâches à faible valeur ajoutée ».
Au Danemark, la stratégie 2025-2030 place ainsi l’IA au cœur du dispositif, afin de promouvoir la médecine de précision et cibler des solutions de prévention ou de recherche. « Au cours des dernières années, le Danemark a investi plus de cinq milliards d’euros pour renforcer son infrastructure hospitalière et construire quatre nouveaux hôpitaux : cette modernisation ouvre la porte aux solutions les plus innovantes, notamment en matière de parcours de soins et de monitoring ». Enfin les enjeux de RSE, et notamment ceux de la recyclabilité des dispositifs, sont de plus en plus présents dans le sourcing des établissements de soins.
La percée de solutions françaises
« Tous ces besoins expliquent la percée de solutions internationales, et notamment françaises sur ces marchés, explique Soline Rémond. La France est identifiée aux avant-postes en raison du dynamisme de son écosystème mais aussi par la présence de grands prescripteurs comme Ramsay Générale de Santé (qui a racheté le suédois Capio) ou l’équipementier Legrand ».
Ainsi, des entreprises innovantes comme Withings (appareils connectés), Chronolife (suivi patient 360°) ou Bodycap (capsules électroniques de suivi) ont su trouver leurs marchés. Des jeunes pousses du domaine de la robotique orthopédique ou de la télésurveillance à domicile, voire de l’analyse du comportement patient (sons, mouvements, etc) se fraient également un chemin dans les trois pays.
« L’enjeu pour ces acteurs Health Tech reste de comprendre le fonctionnement de l’écosystème afin de pouvoir y accéder plus facilement », poursuit Soline Rémond. L’entrée sur le marché s’opère bien souvent via l’entremise d’intégrateurs ou de distributeurs locaux (équipements, architectures de téléassistance, SI hospitaliers…) qui joueront le rôle d’ensemblier auprès des établissements de soins. Charge au fournisseur tricolore de prévoir alors la formation et l’accompagnement adéquats pour les équipes en place. « En Suède, nous recommandons de passer par un distributeur exclusif sur la totalité du territoire, confie Soline Rémond. Même s’il ne faut pas oublier de développer son réseau parmi les donneurs d’ordre finaux pour mieux tester et faire valoir son offre… ».
Un système de soins et d’innovation décentralisé
Car les prescripteurs du marché sont bien souvent identifiés à plusieurs niveaux, national ou local, et les connaître permet de mieux répondre aux demandes d’achats. Ainsi, en Finlande, ce sont les vingt et une régions (dites régions de bien-être) qui pilotent l’organisation des services de santé : elles sont donc chargées de la commande d’équipements et de la prise en charge des patients et constituent un point de contact indispensable au moment d’entrer sur le marché. Au Danemark, il s’agit de cinq régions qui coordonnent et pilotent l’action publique en matière d’innovation de santé et d’offre de soins : chacune des régions dispose ainsi de son propre centre d’innovation en santé. Enfin, en Suède, le système est encore plus granulaire puisqu’il se divise en trois niveaux administratifs : le gouvernement national qui fixe les grandes orientations, les vingt-et-une régions qui organisent les soins médicaux sur le territoire et les 290 municipalités qui pilotent les soins médico-sociaux, notamment pour les personnes en situation de dépendance. « Les régions suédoises investissent chaque année jusqu’à 1,4 milliards d’euros dans les solutions IT », souligne Soline Rémond.
Auprès de ces donneurs d’ordre qui pilotent la commande publique, de nombreux hubs d’innovation viennent enrichir la réflexion sur les solutions à investiguer et sur les terrains d’expérimentation pour demain : Karolinska Institute Science Park ou KISP (hub d’innovations Life Sciences à Stockholm), GoCoHealth en Suède (nouveau Hub d’innovation à Göteborg dont l’un des partenaires est Astra Zeneca), Health Data Sweden (hub européen d’innovation dans les données de santé), CleverHealth en Finlande (hub d’entreprises et d’experts pour accompagner l’État sur ses feuilles de route en matière de santé) et les cinq centres d’innovation régionalisés danois. « À ces écosystèmes d’innovation spécialisés répond bien sûr le tissu universitaire très pointu qui favorise la coopération public-privé et la maturation de start-up », souligne Soline Rémond. Ainsi en est-il, s’agissant de la Suède, des clusters santé de Stockholm, Göteborg et Malmö. . Et, pour le Danemark, de la Medicon Valley entre Copenhague et le Sud de la Suède, tandis que la Finlande affiche cinq pôles académiques d’excellence liés aux acteurs de terrain (Turku, Kuopio, Oulu, Helsinki, Tampere).
Le marché nordique, vitrine de la Health Tech
« Les marchés nordiques ont donc une véritable maturité sur le sujet et des structures d’innovation particulièrement avancées, résume Soline Rémond. Cela ne veut pas dire que le marché est saturé, au contraire : de nombreux géants locaux font appel à des solutions importées pour compléter leurs offres et les établissements de soins sont en pleine prospection du marché ».
Pour ces raisons, le programme d’immersion Santé Digitale du printemps 2025 devrait être une bonne occasion d’accroître la visibilité des offres françaises, au moment où les donneurs d’ordre engagent des chantiers de modernisation. « La Health Tech française, déjà reconnue à l’international, a une carte à jouer sur un marché qui peut apporter des gains d’attractivité sur le moyen terme, y compris pour les investisseurs. En ce sens, le marché nordique est une véritable vitrine de l’état de l’art international en matière de Health Tech », conclut Soline Rémond.