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Osez l'Export en Zone Europe Centrale et Orientale

L’apparition des pays de l’Europe centrale parmi les marchés de consommation les plus porteurs de l’Union Européenne reste relativement peu identifiée par les entreprises exportatrices. « Les marchés de la zone sont encore associés à un imaginaire daté des années 1990-2000, dans lequel on considérait ces pays comme des destinations de production et non de débouché, explique Yvane Bocchi-Wirman directrice de la zone Europe Centrale et Orientale pour Business France. Depuis, ces pays se sont modernisés, à la fois dans leurs appareils productifs (orientés vers davantage de valeur ajoutée) et dans leurs modes de consommation : ils représentent actuellement un bassin de 80 millions de consommateurs potentiels, à seulement deux ou trois heures de vol de la France, et les opportunités B2B y sont légion, sans saturation du marché ».

En 2023, la République Tchèque a affiché un PIB par habitant de près de 54 000 dollars[1] (en parité de pouvoir d’achat, ppa). Par comparaison, celui de la France atteint 61 000 dollars, celui du Royaume-Uni 58 000 et ceux de l’Espagne et du Japon… respectivement 52 000 et 50 000 dollars. « On l’ignore encore trop souvent mais la République Tchèque est l’un des pays les plus performants d’Europe sur le plan économique, témoigne Yvane Bocchi-Wirman. Ses habitants ont désormais un pouvoir d’achat comparable à ceux de l’Europe de l’Ouest ».

Une dynamique qui ne s’arrête pas aux frontières tchèques : en Pologne, le PIB (en ppa) par habitant s’élève, lui, à plus de 49 000 dollars et en Roumanie, il est de 48 000 dollars, à égalité avec le Portugal. La Hongrie de son côté affiche près de 45 000 dollars. « D’ici 2030-2035, on peut s’attendre à ce que ces données s’améliorent encore et que ces pays se hissent au niveau des autres grandes puissances européennes », confirme Yvane Bocchi-Wirman.

Pour remettre à jour les stéréotypes sur ces pays, voici quelques caractéristiques économiques que l’on ignore encore trop souvent sur la Pologne, la Roumanie, la République Tchèque et la Hongrie. Et qui risquent fort d’inviter à la prospection.

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Premium, bio, luxe : une consommation au-delà des standards européens

En 2023, les ventes de bijoux et montres de luxe ont augmenté de 18,3% en Pologne tandis que les services hôteliers et de spa ont bondi de 23,8%. Le marché tchèque des produits cosmétiques a progressé de 6 % par rapport à 2022, les ventes de dermo-cosmétiques de 15% et celles de produits cosmétiques premium et de luxe de 7,5%. En Hongrie, les secteurs du bien-être et des soins personnels premium, notamment les spas et les produits cosmétiques naturels, ont également enregistré une croissance notable de 11 %. Et en Roumanie, c’est l’univers de l’enfant qui connaît une croissance à deux chiffres, profitant de la forte hausse du pouvoir d’achat des citadins et du phénomène de « l’enfant roi » dû en partie à la baisse de la natalité.

Aux quatre coins de l’Europe centrale, la tendance est la même : plus sophistiquée, plus premium, plus éco-responsable, la consommation des nouvelles générations tend à se mêler à celle des grandes villes de l’Ouest européen. « Les jeunes dépensent plus que leurs parents : ils réservent davantage de budget pour leurs loisirs et le bien-être que pour l’épargne même si les investissements immobiliers restent encore très fréquents dans cette classe d’âge, notamment en Pologne », témoigne Yvane Bocchi-Wirman.

On observe également un boom des produits alimentaires bio (à l’heure où les autres marchés européens rencontrent des difficultés) notamment en Hongrie où, en 2023, les ventes de ces produits ont bondi de 14 %, portées par une demande croissante des consommateurs urbains, soucieux de leur santé et de l’environnement. Même intérêt prononcé pour les produits de design et de décoration en République Tchèque et en Pologne – avec, dans ce dernier pays, des importations d’articles de décoration pour la maison qui devraient progresser de 6 % annuellement sur la période 2023-2028. « La genZ fortement influencée par les réseaux sociaux amplifie ces dynamiques, confirme Yvane Bocchi-Wirman. En Pologne, les projections chiffrées tablent ainsi sur des croissances de 8 à 9 % annuellement pour les articles en e-commerce ». Et la Roumanie s’affiche comme quatrième pays européen le plus actif sur les réseaux sociaux (derrière le Danemark et la Norvège[2]). Un constat qui invite à la réflexion stratégique : « Pour accéder à ces marchés, nous recommandons de bien travailler la stratégie digitale ! », confirme Yvane Bocchi-Wirman, qui cite la société Caudalie et sa communication très active sur LinkedIn.

Des pays au verdissement accéléré

Autrefois connus comme des « champions » des industries lourdes et carbonées, les pays de la zone d’Europe Centrale s’orientent à vive allure vers les énergies et technologies vertes. La Pologne s’est lancée ainsi dans des plans de production de biogaz, multipliant les projets de méthanisation… et offrant ainsi au français SUEZ l’opportunité de racheter un fleuron du secteur, ARA Cursus, en juillet dernier. Le même mois, c’est le géant national ORLEN qui démontrait ses ambitions dans le domaine de l’hydrogène et du stockage par batterie en inaugurant une station hydrogène à Poznan.

Parallèlement, TotalEnergies a investi massivement dans les secteurs photovoltaïque et biogaz sur la zone. Et plus globalement, c’est toute la production énergétique du pays qui est mise à contribution : « L’idée est de sortir définitivement du charbon d’ici la prochaine décennie tout en augmentant aussi les capacités nucléaires, explique Yvane Bocchi-Wirman. C’est le cas en République Tchèque qui investit pour la transformation de ses sites de centrales à charbon, afin que le nucléaire atteigne 41% du mix énergétique ». En Roumanie, c’est déjà 32% de la production énergétique nationale qui provient de sources renouvelables (hydrauliques, photovoltaïques, éoliennes) et 20 % qui provient de sources nucléaires. En République Tchèque, le nucléaire représente 37 % du mix énergétique. En Hongrie, 44% de la production d’électricité provient du nucléaire. Budapest est également en avance sur son calendrier de déploiement de centrales photovoltaïques et compte fortement développer la géothermie dans les prochaines années.

Tous ces projets ambitieux de transition énergétique sont appuyés par des fonds européens qui se chiffrent en dizaines de milliards d’euros. On y retrouve notamment des projets de modernisation agricole, comme en Roumanie ou en Hongrie, ou des chantiers de transformation industrielle. En Hongrie notamment, la jeune pousse KITE, devenue leader dans l’agriculture de précision commence à se faire un nom à l’international…

Une des manifestations les plus marquantes de ce basculement des quatre pays en faveur de la transition écologique se joue probablement sur le terrain des mobilités vertes. Dans des pays connus historiquement pour leur industrie automobile (en Hongrie notamment, celle-ci représente 4 % du PIB national), la production s’est orientée en masse vers les véhicules électriques et hybrides : en 2023 ; ce segment a représenté 13% de tous les véhicules produits en République Tchèque. Par ailleurs, les projets ferroviaires se multiplient : en République Tchèque, SNCF Réseau a renouvelé une coopération technique avec son homologue tchèque pour le développement de lignes à grande vitesse pour un total de 640 kilomètres de voies d’ici 2040 ; et en Pologne, c’est Alstom qui a obtenu le marché de modernisation des systèmes de contrôle d’une grande ligne autour de Katowice – sans oublier en Roumanie, l’attribution de la construction du tout nouveau métro de Cluj-Napoca.

« Tous ces projets démontrent que la France est bien identifiée sur les problématiques de transition verte. Il faut amplifier ce phénomène en invitant les acteurs français de la transition verte à proposer leurs solutions aux donneurs d’ordre locaux : ORLEN, EPH Holding ou encore INPOST… Ce sont des opérateurs d’envergure internationale qui sont toujours à l’affût de solutions d’énergie et de mobilité verte… ». En Hongrie, la France peut s’enorgueillir de la présence d’une quarantaine de TPE-PME innovantes, actives sur ces sujets et bien intégrées dans la chaîne de valeur.

La « Silicon Valley européenne » ?

Quelle est la seconde langue la plus parlée dans les bureaux de Microsoft dans le monde ? Réponse : le roumain. Où se trouve l’Agence de l’Union Européenne pour le Programme Spatial qui gère les technologies de navigation par satellites comme Galileo ? Réponse : à Prague. Et où Google Cloud a-t-il ouvert son plus grand centre de R&D européen en 2021 ? Réponse : à Varsovie.

« Depuis les années 2010, de nombreux services informatiques se sont déployés dans la région, profitant de conditions foncières et fiscales intéressantes, mais aussi d’un vivier unique de compétences. Les pays de la zone centrale ont investi massivement dans la formation de talents IT qualifiés qui, aujourd’hui, sont recherchés activement par les géants de la Tech », affirme Yvane Bocchi-Wirman. En Roumanie notamment, les pôles universitaires de Cluj-Napoca, de Bucarest et de Timisoara sont devenus des bassins de recrutement importants pour les groupes internationaux, et des centres de services partagés ainsi que des laboratoires R&D y ont vu le jour. C’est donc sans surprise que l’Union Européenne a décidé d’y installer son Centre Européen de Compétences en Cybersécurité en 2022.

« De façon générale, on observe dans la région une accentuation progressive des efforts d’innovation : elle est encore le fait de groupes occidentaux qui installent leurs centres R&D mais une offre locale commence à se déployer ». En témoigne l’entrée de UIPath, première licorne roumaine spécialisée dans l’intelligence artificielle, à la Bourse de New York en 2021. Ainsi que l’intégration d’aiMotive, start-up hongroise spécialisée dans les technologies de conduite autonome, dans le giron du leader automobile français Stellantis. Ou, dans des domaines applicatifs, le succès des Polonais Allegro (plateforme de e-commerce) et CD Projekt RED (développement de jeu vidéo, dont le multirécompensé The Witcher). « L’avènement de cet écosystème tech conduit les donneurs d’ordre locaux à regarder du côté de briques technologiques de niche ou de partenariats stratégiques complémentaires ». D’où un intérêt pour les offreurs de solutions français dans le domaine de la tech…

« La France est déjà largement présente mais encore trop souvent pour des activités de services destinées au marché mondial alors que la demande même de ces pays est en très forte hausse », analyse Yvane Bocchi-Wirman. Depuis peu, OVHCloud, ALTEN, Atos et Eviden, Capgemini, Inetum, Pentalog ou encore Axway déploient de nouveaux efforts de prospection pour se positionner sur les innombrables chantiers de digitalisation dans la zone, « mais la prospection pourrait être accrue dans ces domaines, notamment pour les PME et ETI françaises », souligne Yvane Bocchi-Wirman.

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Des villes où il fait bon vivre et travailler

Au-delà de ces aspects économiques, le cliché des « Pays de l’Est » post-soviétiques, gris, pauvres et bureaucratiques a encore la vie dure mais doit être dépassé : « Les a priori sur l’Europe centrale doivent être réactualisés : ils n’ont rien à voir avec la réalité de ces pays et la modernité qu’ils présentent au quotidien, souligne Yvane Bocchi-Wirman. Il y a un vrai travail de communication à faire car ce que l’on voit sur le terrain n’est pas du tout l’image poussiéreuse que véhiculent parfois les stéréotypes ». 

Preuve en est : l’étude menée par la Commission Européenne sur 83 villes européennes autour des critères de travail, services publics, santé, espaces verts, etc… qui voit la ville de Gdansk arriver en troisième position derrière Copenhague et Groningue (Pays-Bas). Les villes de Cluj (Roumanie) et Bialystok (Pologne) sont également citées en bonne position dans ce classement.

« Les grandes villes de ces pays ont bénéficié d’importants travaux de rénovation ces dernières années, poursuit Yvane Bocchi-Wirman. Donc le décor urbain est beaucoup plus vert et convivial qu’on ne le croit, sachant que le climat continental permet de bénéficier de saisons printanières et estivales marquées ».

Une qualité de vie qui s’incarne également dans des critères plus ciblés, comme la sécurité des personnes (en Pologne, un « indice de criminalité perçue » largement inférieur à celui de la France) ou l’environnement familial (Prague est classée cinquième dans le palmarès des villes européennes « où il est bon d’élever ses enfants », selon la plateforme éducative Preply). De son côté, la Hongrie continue de tirer parti de son patrimoine culturel et thermal pour attirer de nombreux touristes (41 millions de nuitées comptabilisées en 2023). Conséquence directe de tous ces atouts : l’arrivée de plus en plus massive d’une immigration économique attirée par les promesses de ces pays et la qualité de vie qui y règne, vingt ans après le flux d’émigration qui avait suivi l’adhésion de ces pays à l’Union Européenne.

Car, dans le monde des affaires « les pratiques sont très communes avec celles des pays d’Europe de l’Ouest, avec une communication franche, directe et efficace, sans perte de temps. Il n’y a pas de barrière de langue car l’anglais est largement pratiqué, tout comme le français qui est très répandu en Roumanie », assure Yvane Bocchi-Wirman. Dans ce dernier pays, la présence française est particulièrement active : quatre mille sociétés sont à capitaux majoritairement français. Et la francophilie se traduit, ici comme dans les pays voisins, par un intérêt marqué pour les produits Made in France et par l’accueil chaleureux réservé aux missions d’affaires en provenance de France. « La relation est déjà très bonne avec les partenaires polonais, tchèques, roumains, hongrois, assure Yvane Bocchi-Wirman. Il faut maintenant l’amplifier sur davantage de secteurs et changer la perception de ces marchés en engageant un dialogue direct avec le consommateur local ».

Ouverts, dynamiques, innovants, tournés vers l’avenir, ces quatre marchés (République Tchèque, Pologne, Roumanie, Hongrie) et leurs voisins de la zone Europe centrale et orientale (douze pays au total) présentent donc un intérêt majeur pour les exportateurs, qu’il est nécessaire de faire connaître. « Car, encore maintenant, ces marchés restent ouverts à l’importation, sans trop de concurrence : c’est le moment d’y venir… Après il sera trop tard ! », insiste Yvane Bocchi-Wirman.

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[1] En parité de pouvoir d’achat. Chiffres de la Banque mondiale : https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.PCAP.PP.CD?most_recent_value_desc=false

[2] Source Statista : https://fr.statista.com/statistiques/644137/internet-reseau-social-penetration-par-pays-europe/