Date de publication :

Secteur Mobilité et Logistique
Pays concerné
Pays-Bas
Thématique Actualités du secteur
Aux Pays-Bas, quand on parle des systèmes de transport, on pense bien évidemment au plus connu de tous, dans l’imaginaire commun : le vélo. Ce que l’on sait moins cependant c’est que les voitures ne sont pas pour autant délaissées. Bien que la proportion d’habitants possédant une voiture reste en dessous de la moyenne de l’OCDE, les infrastructures routières sont parmi les plus utilisées d’Europe avec un trafic souvent dense et intense. Pourtant, les conducteurs néerlandais ont été désignés par la plateforme Waze comme « les plus heureux » au monde. On peut s’étonner de cette assertion au vu du partage important de la chaussée avec les cyclistes sur les routes néerlandaises, pouvant provoquer tout un tas de situations complexes à gérer en instantané. Pour poursuivre ce panorama, les Pays-Bas sont reconnus pour la qualité des transports publics. Le pays propose une offre complète et efficace, très facile d’utilisation et souvent mentionnée comme l’une des meilleures au monde. Les interconnexions entre ces trois systèmes de transport permettent au pays aujourd’hui d’être un véritable modèle en termes de multimodalité et d’être en avance sur certains sujets de la mobilité intelligente (data, hubs et infrastructures). Le pays a beaucoup expérimenté au cours des années et véritablement pensé l’intégration des transports à l’esthétique et au design des villes. Selon Brent Toderian, designer en chef de la zone urbaine de Vancouver, « si l’on design une ville pour les voitures, cela échoue pour tout le monde et spécialement pour les conducteurs. Mais si l’on design une ville multimodale qui met en priorité les piétons, les vélos et les transports publics cela profite pour tout le monde, spécialement les conducteurs. » Ainsi, dans quelle mesure le design des villes néerlandaises permet-il la mise en place d’un modèle multimodal optimal et efficace pour les usagers des transports au quotidien ?
Image info sectorielle

Comme beaucoup de pays européens dans les années 1960, les Pays-Bas se reconstruisent et se développent très rapidement. La proportion de gens possédant et utilisant une voiture ne cesse d’augmenter et très vite des problèmes en découlent. Le trafic est extrêmement dense sur les axes principaux des villes, les places de parking se font de plus en plus rares et le taux d’accident est très élevé (en 1972, on comptait 3 200 morts sur les routes aux Pays-Bas). Les autorités néerlandaises vont alors se tourner vers des solutions à l’image de bien d’autres villes à l’époque : développer les infrastructures routières pour amortir ce trafic. C’est ainsi que le projet Jokinen voit le jour. Du nom de son designer David Jokinen, ce projet concernait originellement les villes de La Haye et d’Amsterdam. L’objectif était de créer d’immenses routes ralliant le centre à la périphérie de la ville en s’inspirant grandement du modèle américain. Pour le designer, il était évident que la tendance allait vers une population qui habiterait en périphérie de la ville et travaillerait dans le centre. On parlait d’un périphérique à 6 voies autour d’Amsterdam en démolissant un grand nombre de quartiers. Ironiquement le slogan de ce projet était « Give the city a chance ».  

Fort heureusement, ce projet sera vivement critiqué par la population et une vague de protestation aura lieu pour le faire avorter. C’est à ce moment précis que les Pays-Bas feront un choix majeur, celui d’offrir des alternatives à la voiture plutôt que de constamment augmenter les infrastructures pour supporter le trafic automobile. Concrètement, entre 1986 et 2012, la distance couverte par les transports publics a été plus que doublée et le réseau de voies ferrées dans le pays a été fortement étoffé. Au niveau des villes, l’accès aux voitures a été restreint en limitant les places de parking, en resserrant les voies et en interdisant l’accès à certaines routes. Pour réduire les vitesses des voitures, plutôt que d’ajouter un panneau de limitation et des radars, le design urbain a été adapté. Si l’on souhaite limiter la vitesse des automobilistes dans une zone, on rend la route plus étroite, on resserre le nombre de voies et parfois même on modifie le pavage des rues. En parallèle, les infrastructures pour les vélos ont été constamment améliorées au fil des années : les designers n’ont pas simplement tracé des lignes au sol, ils ont créé des pistes propres aux cyclistes avec une séparation nette avec la route. Contrairement à beaucoup d’autres villes, aux Pays-Bas, il ne s’agit pas seulement de créer une route pour la voiture qui sera également empruntée par les autres types de mobilité en y ajoutant un tronçon. Les Néerlandais ont fait le choix d’éviter au maximum les conflits entre automobilistes, cyclistes et piétons. Pour se rendre compte de cela, il suffit d’observer un carrefour et de faire attention aux feux tricolores : pour chaque type de mobilité un feu sera dédié de sorte à éviter tout croisement et danger qui pourrait s’en suivre. Les feux s’adaptent également en fonction du trafic, selon la densité, l’heure et les différentes mobilités qui se croisent, faisant des villes néerlandaises des modèles de design urbain intelligent et optimisé. Autre exemple concret, si l’on ouvre Google Maps et que l’on désire se rendre d’un point A à un point B, chaque mode de transport aura son propre itinéraire mais la durée sera elle plutôt similaire. Tout est fait pour qu’il soit aussi simple de se rendre au point B par voiture, vélo ou transport public, incitant à privilégier évidemment l’utilisation des deux derniers modes dans un souci écologique. Il n’en demeure pas moins que l’usager des transports a le libre choix sur son mode de transport ! 

Les villes néerlandaises ont donc pensé la multimodalité au sein des espaces et ont tout fait pour rendre l’interconnexion entre les différents modes de transport facile, efficace et intelligente. Quelles en sont les bénéfices ? Dans quelle mesure cela représente-t-il un enjeu majeur de la mobilité de demain ?  

Tout d’abord, ce modèle permet de grands bénéfices d’un point de vue environnemental. Il est évident que réduire l’utilisation des voitures en ville sera bénéfique pour la réduction à terme des émissions de CO2, d’autant plus que la ville est le terrain où privilégier d’autres types de mobilité – douces notamment – est plus aisé qu’en campagne. Outre les aspects positifs pour la planète et nos écosystèmes, la santé des usagers est elle aussi positivement affectée. A Amsterdam, plus de la moitié de la population utilise quotidiennement son vélo. Ce dernier est d’ailleurs considéré par les Néerlandais comme un véritable moyen de transport avant d’être un sport. Il y a d’ailleurs 2 mots distincts pour désigner quelqu’un faisant du vélo : le cycliste professionnel « wielrenner » et le cycliste quotidien « fietser ». Cette utilisation massive de la mobilité douce rejoint enfin les enjeux de santé public quand on sait que la pratique d’une activité physique quotidienne peut lutter contre le risque de contracter des maladies graves et participer à une bonne qualité et hygiène de vie. Les bénéfices sont également sociaux : personne n’est limité dans ses déplacements car il ne possède pas de voiture. Chaque Néerlandais habitant dans une grande ville est à 10 minutes à pied de plusieurs supermarchés et commerces de proximité ainsi que des transports. Le design urbain ne dresse pas de barrières pour la vie sociale de ses habitants, au contraire il érige des ponts. On note aussi des avantages économiques car l’accès au travail n’est jamais conditionné par la possession d’une voiture et est ouvert à tous. Enfin, un aspect plus psychologique peut être mentionné :  beaucoup de cyclistes font état d’un bien-être à se rendre au travail à vélo plutôt qu’en transport en commun. Cet aspect peut avoir un véritable impact sur la qualité de vie dans une ville et son attractivité.  

Le design des villes néerlandaises et l’imbrication optimale des différents modes de transport participent de l’attrait de jeunes talents venant du monde entier dans des villes telles qu’Amsterdam ou Rotterdam. Ces villes sont souvent prises en exemple par d’autres municipalités européennes souhaitant réorganiser leur multimodalité et inciter l’usage de certains modes de transport par rapport à d’autres. Paris a notamment vu ses chaussées changer ces dernières années en laissant de la place aux voies cyclables. L’efficacité de la multimodalité néerlandaise réside dans le fait qu’elle s’est faite sur le temps long, qu’elle est issue d’une réflexion globale sur le modèle de ville souhaité. Le design urbain demeure quelque chose de global, complexe à modifier de fond en comble pour des villes qui n’ont pas intégré ces problématiques depuis toujours. Toujours est-il que les villes néerlandaises continuent d’innover dans ce domaine et d’échanger entre elles et avec d’autres municipalités européennes et mondiales pour mettre en place le meilleur système de transport permettant de répondre à la demande tout en respectant les ambitions environnementales, sociales et économiques qui nous incombent à tous en 2022. 

SOURCES :