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Le processus de digitalisation de la culture en Autriche a débuté avec l'introduction des ordinateurs dans les musées, marquant un tournant décisif avec la création du Centre Ars Electronica en 1996 et le projet scolaire museum@online en 1997/98. La numérisation s'est ensuite pleinement implantée dans les musées autrichiens au début des années 2000, encouragée par le plan d'action eEurope 2002 de l'Union européenne, accompagné de subventions importantes pour la numérisation dans le domaine culturel. Cette initiative a permis le financement de la numérisation de certaines collections des musées fédéraux autrichiens, comme celle du Belvédère où l'objectif était de répertorier et numériser toutes les images et données liées aux objets de la collection jusqu'en 2005/2006. Parallèlement, au début des années 2000, le Wien Museum a entrepris sa numérisation pour réaliser un inventaire complet de ses collections, motivé davantage par une mission explicite de la ville de Vienne, dont dépend le musée, que par une volonté de renouvellement de sa direction. Comme ces exemples le montrent, les débuts de la numérisation étaient centrés sur l'amélioration des inventaires, adaptant les possibilités technologiques aux besoins de l'époque. La période 2010/2011 a marqué une nouvelle impulsion avec un repositionnement des agendas de numérisation au sein du Ministère fédéral de l'Éducation, des Arts et de la Culture, accompagné de nouvelles subventions pour des musées comme le MAK (Musée d´Arts Appliqués).
Les recherches réalisées par le Museumsbund (association des musées autrichiens), aussi différents que puissent sembler les établissements culturels observés, ont permis d'identifier trois vagues progressives de numérisation au cours des 10 dernières années dans les musées viennois.
La première a débuté en 2009, année qui a vu le lancement de plusieurs initiatives publiques qui ont conduite à la création de "Kulturpool", servant d'interface entre Europeana (plateforme numérique paneuropéenne visant à rendre accessible en ligne le patrimoine culturel européen, offrant un accès à des millions d'œuvres provenant de bibliothèques, archives, musées et collections) et les musées autrichiens pour la transmission des données. Les musées du Belvédère et du MAK, deux musées majeurs déjà cités, ont rapidement intégré les exigences d'Europeana dans leurs règlements en 2009, tout comme le Wien Museum qui a consolidé ses bases de données dans la nouvelle base "MuseumPlus".
La deuxième vague de numérisation, qui a impacté les instituts culturels autrichiens entre 2012 et 2014, a été caractérisée par un nouvel élan vers l'ouverture des collections et des données vers l´extérieur, ainsi que l´amélioration de l´accessibilité pour les intéressés internes et externes au musée, tout en renforçant l'aspect de la qualité et de la sécurité des données via Kulturpool. Pendant cette phase, le Wien Museum a effectué une autre révision de sa base de données, profitant du déménagement des neuf entrepôts initiaux vers le nouvel entrepôt central du musée à Himberg, avec des préparatifs laborieux qui ont conduit à un enregistrement numérique complet des œuvres et à une révision de nombreuses données.
La troisième vague correspond à la période qui a vu la transformation numérique devenir une préoccupation transversale impliquant le quotidien de tous les citoyens autrichiens (comme la plupart de ceux de l´UE), soit 2020-2022, les années liées à la pandémie de COVID-19. En réalité, beaucoup de décisions de cette phase avaient été prises en 2019 et auparavant, mais leur mise en œuvre a été accélérée par la nécessité de trouver des solutions rapides face aux défis. La numérisation étant devenue un besoin touchant tous les départements des musées, plusieurs directions ont poussé la création de départements numériques dédiés, comme au Kunsthistorisches Museum (Musée des Beaux-arts de Vienne) ou le MAK, à des projets majeurs comme la collection en ligne du Wien Museum, lancée avec succès à l'automne 2020, ou encore à la conception de parcours de découverte hybride à large échelle comme "Linz Augmented", combinaison de médiation culturelle traditionnelle et de visuels en réalité augmentée dans la ville homonyme.
Ces 25 années de numérisation ont vu une évolution majeure du concept, passant de la simple création d'inventaires numériques à une vision intégrant de nombreux processus internes et la création d'expériences de visite complètes. Toutefois, la fonction exacte des collections en ligne dans la stratégie globale de chaque musée reste à définir, avec des défis tels que la gestion de volumes croissants de données, la conservation à long terme et la présentation centrée sur l'utilisateur des collections numériques. La plupart des experts autrichiens croient que l'automatisation et l'intelligence artificielle pourraient soutenir ces processus, mais qu´il est crucial de définir des objectifs internes pour une utilisation durable et alignée avec la mission des musées.
Source : Neuesmuseum, octobre 2023