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Les viticulteurs en Australie en difficulté
En raison de la pression des changements dans les préférences des consommateurs et des pressions économiques significatives, le marché mondial du vin traverse la pire récession depuis les années 80. La nature cyclique de l'industrie et sa vulnérabilité aux fluctuations du marché rendent la situation actuelle particulièrement volatile, mettant les viticulteurs et les producteurs dans une position précaire.
Un excédent de production de vin par rapport à la consommation a entraîné une chute sévère des prix des raisins. En Australie, les prix des raisins ont chuté de manière dramatique, atteignant une baisse de 67 % pour des variétés telles que le Riverland Shiraz depuis 2020. Certains agriculteurs ont été contraints de vendre leurs raisins à des prix qui étaient la norme dans les années 70. L’Australie n'est pas seule dans cette situation, de nombreux pays européens ressentent également la pression.
L'excédent et la baisse des prix ont contraint de nombreux viticulteurs à arracher des vignes, certaines ayant plusieurs décennies. Cette mesure drastique est une réponse aux prix insoutenables et à un marché inondé de stocks excédentaires. Passer par le cycle de production ne ferait que multiplier les pertes pour beaucoup de ces viticulteurs. L'industrie viticole australienne lutte avec la nécessité de réduire ses opérations et de gérer un stock important de vin invendu.
Cette récession est exacerbée par des problèmes commerciaux, tels que les droits de douane imposés par la Chine, qui ont significativement impacté les exportations de vin australiennes et engendré un excédent de stocks. Les droits de douane chinois élevés ont eu un impact dévastateur sur l'industrie viticole australienne, révélant les risques d'une dépendance excessive à un seul marché. Cette expérience a poussé les leaders de l'industrie à plaider pour une stratégie d'exportation plus diversifiée. D’autant plus que, pour la période 2023-2024, les exportations mondiales ont maintenu leur niveau uniquement grâce à une augmentation de la demande chinoise, tandis que la demande mondiale ailleurs a diminué de 4%.
Une baisse mondiale de la production
Ces dernières années, la production mondiale de vin a constamment dépassé la consommation, créant un déséquilibre significatif sur le marché. Selon l'Organisation Internationale de la Vigne et du Vin, la consommation mondiale de vin a chuté à 221 millions d’hectolitres l’année dernière, atteignant son niveau le plus bas depuis 1996. Cette baisse persistante de la consommation a conduit à un excédent dramatique de vin, avec de graves conséquences pour l'industrie, en particulier pour les viticulteurs australiens.
Les répercussions de ce déséquilibre sur le marché sont profondes. Avec une consommation mondiale de vin en baisse de 2,6 %, atteignant son niveau le plus bas depuis 1996, les principaux producteurs de vin se battent désormais contre une demande réduite. En réponse, ils ont été contraints de mettre en œuvre des mesures drastiques. Ces mesures incluent la fermeture de vignobles, où les vignobles non rentables ou sous-performants sont fermés, et des programmes de destruction de vin, impliquant la destruction de stocks excédentaires pour gérer les niveaux de l'offre. De plus, certains producteurs modifient leur culture, passant des raisins traditionnels à des cultures alternatives pour s'adapter aux conditions du marché en mutation.
Cette crise en cours souligne la nécessité de solutions innovantes et d'ajustements stratégiques au sein de l'industrie viticole mondiale. Les producteurs doivent naviguer dans ces temps difficiles en explorant de nouveaux marchés, en améliorant leurs offres de produits et en investissant dans des pratiques durables pour sécuriser leur avenir dans un secteur en évolution rapide.
Une baisse de la consommation mondiale
Cette baisse de la consommation ne semble pas être une récession temporaire, mais plutôt un reflet d’un changement culturel plus large loin des boissons alcoolisées traditionnelles. Les jeunes montrent particulièrement un désintérêt croissant pour le vin et les autres boissons alcoolisées. Les rapports suggèrent que 45 % des membres de la génération Z âgés de plus de 21 ans n’ont jamais consommé d’alcool, marquant un départ significatif des habitudes de consommation traditionnelles et indiquant un changement profond dans les attitudes sociétales envers l’alcool. Le vin, en particulier, souffre de cette tendance, car les jeunes consommateurs le perçoivent souvent comme "désuet" ou "banal", et donc moins attrayant comparé à des options de consommation plus contemporaines et décontractées.
Les considérations de santé sont un autre facteur clé qui alimente ce changement. Les avertissements de l'Organisation mondiale de la santé sur les dangers de la consommation d'alcool, combinés à un manque de transparence concernant le contenu nutritionnel du vin, contribuent à une méfiance croissante parmi les consommateurs. L'essor des boissons non alcoolisées, telles que les mocktails sophistiqués et les vins non alcoolisés, ainsi que les boissons alternatives comme les hard seltzers et les cocktails artisanaux, diversifie encore plus les préférences des consommateurs. Ces alternatives offrent non seulement des profils de saveurs variés et innovants, mais présentent également des risques moindres pour la santé. En conséquence, le vin peine à concurrencer un marché de plus en plus orienté vers des options de consommation plus saines et diversifiées. Ce paysage évolutif souligne un défi majeur pour l'industrie viticole alors qu'elle cherche à s'adapter aux préférences changeantes des consommateurs et aux tendances axées sur la santé.
Des grandes marques de vin prises dans la tourmente
Le secteur du vin bon marché a subi le poids de l'excédent, qui devrait durer encore deux ans. Il est également confronté à un changement dans les préférences des consommateurs en faveur de vins plus chers, ainsi qu'à des coûts de production et d'énergie en hausse. Ces facteurs mettent à l'épreuve les marges étroites des marques bas de gamme, qui sont souvent vendues par le biais de grandes chaînes de détail et sont donc particulièrement vulnérables aux préférences des consommateurs et aux fluctuations économiques.
Treasury Wine Estates répond à ces défis en vendant plusieurs de ses principales marques de bas de gamme, telles que Wolf Blass, Lindeman’s, Yellowglen et Blossom Hill, qui contribuent ensemble à environ 37 M EUR de bénéfices bruts. Au lieu de cela, l'entreprise se concentre sur les vins premium, en investissant massivement dans des marques haut de gamme comme Penfolds et en acquérant les vignobles Daou en Californie pour 970 M EUR.
Les perspectives de l'industrie varient ; certains critiquent les grandes propriétés détenues par de grandes entreprises pour rendre les marques "sans âme", tandis que d'autres voient un soulagement potentiel dans la levée récente des droits de douane sur les exportations de vin australien vers la Chine, bien que les améliorations soient attendues comme graduelles. Malgré les difficultés, les vins bon marchés représentent encore environ 84 % des ventes mondiales de vin, bien que la rentabilité reste un défi en raison des coûts de production élevés et des marges réduites.
Une autre entreprise populaire, Australian Vintage, a rapporté une chute financière stupéfiante pour l'exercice 2024, avec une perte de 57 M EUR par rapport à un bénéfice de 2 M EUR l'année précédente. Cette baisse brusque a été attribuée à des amortissements significatifs, partiellement nécessaires en raison des problèmes d'excédent sur le marché. Ils se concentrent également sur les vins sans alcool et à faible teneur en alcool, espérant combler les lacunes laissées par le vin.
Pour l’instant, la tendance dans l'industrie est à la consolidation, les grandes marques absorbant celles qui ne pouvaient pas survivre. L'avenir de l'industrie viticole semble également se tourner vers les vins premium et de luxe, avec de grands producteurs réduisant leur production de vins commerciaux au profit de produits à marges plus élevées.
Quelle direction prendre pour l’avenir ?
L'industrie viticole reconnaît la nécessité de se réinventer pour attirer un public plus large. Les efforts incluent la proposition de produits plus diversifiés et innovants, l'amélioration de l'accessibilité dans les supermarchés et l'atténuation des préjugés culturels associés au vin. Les professionnels du secteur estiment que s'adapter à ces tendances est crucial pour la survie à long terme. Cependant, il reste encore un long chemin à parcourir, et malheureusement, il y aura des victimes.
D'autres défis se profilent à l'horizon, notamment avec le sud-est de la Tasmanie, en particulier les régions de Coal River et Jordan Valley, confrontées à une grave sécheresse, impactant à la fois la production alimentaire et vinicole. Le gouvernement fédéral a récemment rejeté une demande de financement de 92 M EUR pour un projet d'irrigation crucial pour la durabilité agricole de la région. Cette décision a accentué les préoccupations parmi les producteurs locaux qui dépendent de sources d'eau pour leurs opérations. Les experts avertissent que les changements climatiques en cours aggraveront ces défis, rendant la gestion de l'eau et les investissements dans les projets d'irrigation de plus en plus critiques pour l'avenir de la région.
Alors que la crise se prolonge, Australian Grape and Wine, l’organisme représentant les producteurs de raisins et les vinificateurs, plaide pour un soutien gouvernemental significatif. L'industrie demande 18 M EUR pour aider les viticulteurs à arracher leurs vignes et à passer à d'autres cultures, ainsi qu'un financement supplémentaire pour stimuler les exportations et le tourisme viticole domestique. Le coût de l'arrachage des vignes est d'environ 4 200 EUR par hectare.
Bien que l'industrie ne soit pas prête de disparaître et que de nombreux acteurs planifient l'avenir, la réalité est que de nombreux vignobles ne pourront pas supporter les coûts, et les fermetures sont inévitables. Pour y remédier, le gouvernement sud-australien a annoncé un soutien de 159 M EUR pour les viticulteurs de Riverland en difficulté face à un excédent de raisins rouges. Le financement aidera la CCW Co-Operative de la région à aider les agriculteurs à diversifier leurs cultures et à améliorer l'accès à de nouvelles sources de revenus. Cette initiative fait partie d'efforts de soutien plus larges de l'État, y compris un financement antérieur pour le réengagement avec la Chine et la viabilité du secteur.
Face aux problèmes croissants auxquels l'industrie est confrontée, Wine Australia et Australian Grape & Wine ont lancé le One Grape & Wine Sector Plan, visant à recalibrer les objectifs du secteur viticole australien en tenant compte des défis récents. Le plan, en réponse aux préoccupations des travailleurs du secteur, se concentrera sur le traitement des problèmes urgents du secteur et la direction à prendre pour une meilleure reprise. Il est destiné à compléter les stratégies existantes plutôt qu'à les remplacer.
La crise actuelle souligne l'interaction complexe des dynamiques commerciales mondiales, des comportements changeants des consommateurs et des pressions économiques auxquelles l'industrie viticole est confrontée. Alors que les viticulteurs australiens affrontent ces défis, l'avenir du secteur dépend de la recherche de solutions durables pour gérer l'excédent de production, s'adapter aux conditions du marché en évolution et obtenir un soutien adéquat pour traverser cette période tumultueuse.
Sources
- What’s driving wine's structural decline? - IWSR (theiwsr.com)
- The world is drinking less wine, and decades-old vines are being torn up - ABC News
- Stuffy, unhealthy or ‘just mid’ – are young people over wine? | Alcohol | The Guardian
- Why young people are drinking less wine (winecompanion.com.au)
- TWE ASX: Penfolds owner Treasury Wine Estates will sell Wolf Blass, Lindeman’s, Yellowglen and Blossom Hill wine labels (afr.com)
- Global food forum: China tariffs have taught Australian exporters some hard lessons | The Australian
- Wine Australia: Exports up, but questions sustainability - Food & Drink Business (foodanddrinkbusiness.com.au)
- Drought threatens food and wine production in Tasmania's south-east - ABC News
- Funding to help Riverland growers diversify amid red wine glut - InDaily
- OSP_Plan_A4_W.pdf (wineaustralia.com)
- What to know ahead of Australian wine's new sector plan launch - Drinks Trade
- New round of vine resting trial begins in South Australia - Food & Beverage Industry News (foodmag.com.au)
- Australian wine industry in crisis | Finance News Network (finnewsnetwork.com.au)