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Osez l'Export en Chine

Avec ses 9 millions de kilomètres carrés et ses 1,4 milliard d’habitants, elle est le géant qui fascine l’Occident. Qui fascine… avec une pointe de méfiance. « Les images de la période du COVID-19 ont marqué les esprits : même si toute l’Asie était confinée de façon stricte, la communication a surtout été axée sur les restrictions sanitaires en Chine et leurs conséquences sur les circuits d’approvisionnement. Cela a créé un déficit d’image auprès des Occidentaux », explique Pascal Gondrand, directeur de la zone Chine pour Business France.

 Un déficit d’image qui a pu trouver quelque écho dans les milieux d’affaires, lesquels se montrent aujourd’hui plus prudents sur l’évolution de la conjoncture économique en Chine. « Du côté des entreprises, le terme approprié serait plutôt celui de ‘normalisation’, témoigne Rémi Paul, président de la chambre de Commerce et d’Industrie France Chine. Autant il y avait eu un engouement démesuré pendant une quinzaine d’années, autant on observe maintenant une stabilisation des décisions d’investissement et un statu quo dans la contribution de la Chine au chiffre d’affaires des entreprises ».

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LE PREMIER MARCHÉ EXPORT DE LA FRANCE EN ASIE

Mais ce relatif ralentissement ne doit pas masquer une réalité plus cartésienne : en 2024, le taux de croissance en Chine est toujours évalué à 5% par le FMI. Et la classe moyenne chinoise s’y élève à 500 millions d’habitants – un chiffre en ascension continue, projeté à 700 millions d’ici 2035. « La Chine est et reste la seconde économie mondiale, et le premier marché d’export de la France en Asie : aucun autre pays n’offre une telle profondeur de marché, ni autant d’opportunités de conversion pour les marques françaises », souligne Pascal Gondrand qui cite l’agroalimentaire, les biens de consommation, le luxe et l’industrie de pointe parmi les domaines-phares de l’export français.

Même son de cloche du côté de Rémi Paul : « La Chine offre toujours un marché de consommation et un impact industriel démultipliés. Pour ces raisons, les enquêtes d’opinion que nous conduisons auprès des entreprises montrent un bon score de confiance (57%) et un des meilleurs taux de satisfaction du réseau des CCI mondiales ».

 Alors, pourquoi ce hiatus entre perception et réalité ? Pourquoi cet attentisme de certains exportateurs ? « Probablement par prudence ou méconnaissance, invoque Pascal Gondrand. Beaucoup d’entreprises s’intéressent à la Chine, mais hésitent à venir découvrir le marché ; pourtant, celles qui ont franchi le pas ont tendance à revenir et à étendre leur effort de prospection. Preuve que le pays offre des opportunités méconnues et que la Chine de 2024 reste une destination incontournable en Asie ».

Car, à rebours de certains clichés, le marché chinois et sa nouvelle génération de consommateurs et de salariés présentent un visage modernisé, connecté, et même pionnier sur les enjeux du monde actuel.

En quelques mots-clés, voici quelques caractéristiques de ce marché chinois « new gen » qui tord le cou à certaines idées reçues.

FRANCOPHILIE

« Même si la France est dix-huit fois plus petite que la Chine, elle occupe une place dans l’imaginaire chinois avec une réelle identité d’excellence et de qualité », note Rémi Paul. Alors que les deux pays s’apprêtent à célébrer les soixante ans de leurs relations diplomatiques, l’image France n’a jamais été aussi réputée dans la société chinoise. « Notre culture, nos marques, nos traditions sont particulièrement appréciées par des consommateurs avides de découvertes. Et même dans les secteurs B2B, notamment industriels, cette image précède les exportateurs : la France est vue comme un partenaire de confiance, parfois pionnier ». Une relation de fiabilité qui est reconnue par les milieux d’affaires, conscients que la France a participé de longue date à la construction de l’économie chinoise telle qu’elle résulte de trente ans de mondialisation.

« La communauté française est très active en Chine, confirme Rémi Paul, et elle est d’autant plus solidaire que la période COVID a renforcé les liens ». Échanges entre pairs, conseils juridiques et culturels, stratégies partenariales…En 2024, la chambre de commerce réunit 1700 adhérents, soit la deuxième CCI au monde au regard du chiffre d’affaires. « C’est une communauté d’entrepreneurs qui ont à cœur de promouvoir l’image France. Et la Chine de 2024 se prête particulièrement bien à la valorisation de nos marques ».

OUVERTURE ET MODERNITÉ

Rémi Paul est formel : « Les nouvelles générations chinoises ont une connaissance de notre pays et des pays occidentaux bien supérieure à celle que nous avons de leur territoire ! ». Ultra-connectée, friande d’informations et d’images du monde, curieuse de nouvelles tendances importées, la génération post-COVID entend bien profiter de son pouvoir d’achat pour vivre des expériences au diapason d’autres pays. « L’art de vivre à la française ainsi que les industries culturelles et créatives occidentales sont particulièrement prisés en Chine » témoigne Pascal Gondrand. Le Puy du Fou vient par exemple d’ouvrir un spectacle immersif de grande qualité à Shanghai.

Au-delà de cette appétence pour le tourisme, c’est tout l’édifice de consommation qui commence à montrer des inflexions vers la qualité : « Ce sont surtout les populations jeunes qui consomment du luxe mais il y a la volonté aussi de trouver des allégations durables et saines derrière chaque produit », confirme Pascal Gondrand. Cosmétiques naturelles, produits alimentaires bio, mode responsable… « Le consommateur chinois dépense de façon plus réfléchie ; il ne faut pas oublier que cette classe moyenne a découvert récemment le chômage et rationalise donc son approche », analyse Rémi Paul.

LABORATOIRE D’INNOVATIONS

Mais ce qui doit d’abord retenir l’attention dans la Chine de 2024, c’est le changement de paradigme entourant la R&D. « Il y a une vingtaine d’années, confie Pascal Gondrand, le schéma commercial classique était celui d’une entreprise française exportant sa technologie innovante et sollicitant alors une joint venture pour pénétrer le marché chinois. Aujourd’hui, ce type de montage est initié… mais pour partager aussi la technologie chinoise ! ». Rémi Paul acquiesce : « Que ce soit dans l’intelligence artificielle, l’internet des objets, les sciences médicales ou les nouvelles énergies durables, les découvertes se font au mois le mois : il faut absolument un poste d’observation en Chine pour coller au rythme de l’innovation chinoise ».

Les recommandations de partenariats sont donc particulièrement soulignées, afin de permettre aux entreprises françaises de positionner des niches de technologies ou bien de s’inspirer des innovations chinoises pour les reprendre ensuite sur d’autres marchés. « Il ne faut pas voir cette montée en gamme de l’innovation chinoise uniquement sous l’angle concurrentiel mais aussi comme une opportunité de débouchés et d’ouverture vers la modernité », indique Pascal Gondrand. Un mot d’ordre : rester curieux et vigilant, pour ne pas passer à côté de tendances structurantes !

DÉCARBONATION

Dans la lignée de cette soif d’innovations, le domaine de la transition énergétique et environnementale est considéré comme fer de lance des industries de pointe en Chine : « Vu d’Occident, on présente souvent la Chine comme le premier pays émetteur de carbone au monde (à raison). Mais il ne faut pas oublier qu’elle est aussi le premier producteur de batteries, de panneaux photovoltaïques, de voitures électriques et d’éoliennes au monde ! ». En cela, la Chine se positionne parmi les leaders mondiaux en matière d’investissements dans la décarbonation avec un total de 17 750 milliards d’euros engagés dans les années à venir. Les objectifs nationaux sont en effet ambitieux : pic d’émissions de CO2 atteint en 2030 et neutralité carbone d’ici 2060.

D’où un appel d’air pour les solutions françaises : « La France est bien identifiée sur les filières greentech et énergies renouvelables (incluant le nucléaire) : les industriels chinois sont curieux de découvrir les équipements innovants qui pourront s’intégrer dans leur environnement industriel », témoigne Rémi Paul. Un intérêt d’autant plus marqué que ces solutions sont vues comme durables et fiables d’un point de vue réglementaire. « Dans ce domaine d’innovation comme dans d’autres secteurs de pointe, les exportateurs français doivent faire l’effort de venir constater sur place les avancées chinoises (et les questions qu’il reste à adresser) ».

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CULTURE BUSINESS

L’un des préjugés fondamentaux à l’arrivée en Chine est probablement celui du fossé interculturel et des insécurités qui peuvent en résulter. « C’est un pays où le poids de l’administratif est important, tout comme l’aléa juridique, confirme Pascal Gondrand. Sans compter la barrière de la langue qui, comme dans n’importe quel pays d’Asie, crée une difficulté supplémentaire ».

Mais, là encore, la Chine de 2024 témoigne d’une véritable évolution : « En trente-cinq ans, la Chine a dû construire et développer tout son édifice économique à vitesse accélérée, d’où un processus d’adaptation initialement un peu chaotique. Mais aujourd’hui, elle dispose d’une architecture juridique et jurisprudentielle plus étoffée, avec des progrès y compris dans le domaine de la propriété intellectuelle ».

Même si la barrière culturelle reste présente, la collaboration avec les équipes chinoises s’est améliorée : « Les élites économiques chinoises sont venues étudier dans les universités occidentales et l’anglais s’est largement diffusé, sans compter la sinisation de nos propres sociétés en Europe. Il reste bien sûr des efforts d’adaptation à fournir mais le monde des affaires chinois s’appuie maintenant sur une culture business très différente et bien plus sophistiquée que dans les années 2000 ».

LA GRANDE MURAILLE DIGITALE ?

Le principal enjeu de la collaboration franco-chinoise reste probablement celui de l’utilisation des technologies digitales. « La numérisation de la société chinoise est totalement réalisée, explique Pascal Gondrand, c’est-à-dire que le moindre geste du quotidien (paiement, commande, communication) est effectué via une application : par exemple, il n’y a quasiment plus de monnaie papier ». D’où une certaine « muraille digitale » (selon l’expression de Rémi Paul) qui s’érige face aux nouveaux arrivants : « La problématique de la conservation des données conduit certains à protéger leurs informations ; mais ils se retrouvent du coup pénalisés dans leurs démarches quotidiennes ». D’où un intérêt à se faire accompagner par la communauté française installée sur place pour dépasser ces enjeux et apprivoiser les plateformes locales.

Plus globalement, le haut niveau de numérisation de la Chine est une porte ouverte à toutes les innovations technologiques françaises en quête de débouchés : « La Chine offre un marché d’application important pour des briques technologiques ou des innovations appuyées sur de nouveaux services », confirme Pascal Gondrand. Des opportunités qui ne sont d’ailleurs pas réservées qu’aux grands groupes…

UN EXPORT DE PME

…Car s’il est un cliché qui est souvent battu en brèche sur le terrain, c’est celui de la taille des exportateurs présents en Chine. « Nous voyons de nombreuses PME réussir sur le marché chinois, ce ne sont pas forcément des filiales de grands groupes (même si celles-ci sont bien sûr présentes) », confirme Pascal Gondrand. Au sein du bureau de Business France, ses équipes accompagnent plusieurs centaines d’entreprises chaque année dont la réussite se vérifie dans les chiffres : « D’après nos enquêtes, 62% des entreprises accompagnées par Business France en Chine ont réussi à transformer leur prospection en courants d’affaires. La clé réside dans le niveau d’innovation ou de qualité du produit exporté : à partir du moment où il y a une niche non adressée localement, la démarche d’export est possible, quelle que soit la taille de l’entreprise ».

Rémi Paul confirme mais met en garde : « C’est un marché qui comprend la qualité maintenant, donc les PME peuvent s’y attaquer pourvu que leur offre soit différenciante. Cependant, il faut garder en tête que la compétitivité reste la clé et que le marché réclame des moyens, donc il faut une certaine solidité pour l’aborder ».

COMMUNICATION FIRST

Car le ticket d’entrée sur le marché est « quasi-comparable à celui pour les États-Unis », avec la perspective de gains importants pour contrebalancer l’investissement. « L’un des facteurs importants de coût est lié à la ressource marketing. Car le consommateur chinois réclame de la visibilité pour initier les courants d’affaires, et les plateformes sont nombreuses : on peut citer TMall, Alibaba mais aussi Pinduoduo ou XiaoHongShu ». D’où le recours de plus en plus répandu à des influenceurs et à des stratégies marketing flexibles pour adresser les besoins évolutifs de la classe moyenne. « Les marques locales chinoises ont beaucoup progressé en qualité et constituent un benchmark intéressant sur le volet communication », signale Pascal Gondrand.

Au-delà des aspects marketing, l’implantation sur le marché chinois se joue principalement autour du réseau d’importateurs-distributeurs. « La complexité du marché chinois plaide pour une diversité d’interlocuteurs afin d’adresser des marchés spécialisés ou à forte composante géographique ; à l’échelle de la Chine, il est difficile de se reposer sur un seul importateur ».

Cependant, même si cette multiplication d’interlocuteurs commerciaux et marketing peut sembler lourde financièrement, la rapidité de la rétribution sur le marché rend l’implantation beaucoup plus facile.

LA CHINE BUSINESS N’EST PAS (QUE) SHANGHAI

Dans cette pénétration du marché chinois, les stratégies d’approche ne passent plus systématiquement par Shanghai, comme ce fut longtemps le cas dans les années 2000-2010. « Effectivement à cette époque, Shanghai était devenu le nouveau Singapour : les entreprises y établissaient leur filiale Chine ou leur siège Asie du Nord, raconte Rémi Paul. Aujourd’hui, même si Shanghai garde cette primauté (il y a un réseau d’importateurs-distributeurs particulièrement développé), les entreprises ont tendance à essaimer sur le territoire chinois. Il existe une cinquantaine de villes chinoises qui dépassent les deux millions d’habitants… ».

Principalement, le président de la Chambre de commerce et d’industrie France-Chine recense deux points d’implantation hors de Shanghai : la région de Pékin pour les filières Énergie, Aéronautique, Banque-Finance et la région de Canton et Shenzhen pour les nouvelles technologies, l’Environnement ou les cosmétiques. « C’est un bassin de PME particulièrement fertile », insiste-t-il. « Et puis, ajoute Pascal Gondrand, il ne faut pas oublier Hong Kong, qui constitue une porte d’entrée naturelle sur la zone, avec de nombreux événements internationaux capables de fédérer les écosystèmes asiatiques ».

Longtemps considérée comme un pied-à-terre central pour rayonner vers les autres pays d’Asie, la Chine est désormais privilégiée par les exportateurs comme un marché à part entière. « C’est China for China, note Pascal Gondrand. C’est-à-dire que les entreprises n’envisagent plus nécessairement de réexporter à partir du pays, mais viennent d’abord pour pénétrer le marché chinois ».

 Signe de cet intérêt maintenu pour le marché chinois : la France est le premier pays européen en nombre d’entreprises installées sur le territoire, principalement sur la région côtière du Sud et les grandes métropoles. « Cette présence française est une chance, conclut Rémi Paul, elle donne un réel ancrage aux entreprises qui débutent ». Une main tendue qui peut inciter certains à dépasser leurs préjugés ? « Les exportateurs ne peuvent ignorer la Chine de 2024, confirme à son tour Pascal Gondrand. C’est un laboratoire qu’il faut venir explorer pour comprendre et anticiper le monde de demain ».

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